Le parquet a requis des peines exemplaires envers 24 Sahraouis prévenus. Leurs avocats avaient plaidé le 14 février leur libération devant le tribunal militaire de Rabat, tandis que Londres, qui suit de «très près» cette affaire, insiste sur le respect de leurs droits. A force de jouer avec le feu, le Royaume chérifien s'est retrouvé au milieu des flammes. Les charges retenues contre les 24 civils Sahraouis se sont avérées bien fragiles. Montées de toutes pièces, elles s'effondrent comme un château de cartes. Premier coup de théâtre: le président du tribunal militaire permanent de Rabat a annulé le 13 février l'audition des neuf témoins à charge, alors qu'il avait insisté pour les entendre. Le premier d'entre eux, employé à la Protection civile d'El Ayoun, défile à la barre. Surprise: il déclare n'avoir pas «assisté personnellement à des actes criminels lors du démantèlement du camp mais qu'il avait, par contre, aperçu des hommes encagoulés sans pour autant pouvoir affirmer qu'il s'agissait des 24 accusés en question», apprend-on de sources judiciaires. La défense s'engouffre dans la brèche. «Le témoin se contente de relater des généralités sur les événements... le collectif d'avocats pourrait, dans ce cas, présenter tous les Sahraouis présents dans le camp ce jour-là», signale au tribunal un des défenseurs, des 24 civils Sahraouis, qui a pris la parole. L'argument est en béton. Le président du tribunal cède et renonce à entendre les témoins suivants. «Le président du tribunal a passé outre et le premier témoin a été appelé. Il a déclaré qu'il n'avait rien vu et qu'il ne pouvait reconnaître personne. Alors le juge n'a pas auditionné les autres...» a confirmé, dans un document parvenu à la rédaction de L'Expression, Claude Mangin-Asfari, épouse d'Ennaâma Asfari, premier prévenu à avoir pris la parole devant le tribunal. Les six avocats du collectif chargé de la défense des 24 militants des droits de l'homme sahraouis, ont dénoncé un procès «sans fondement juridique». Ils ont donc logiquement demandé l'abandon des chefs d'accusation (constitution de bandes criminelles, violences sur des forces de l'ordre ayant entraîné la mort avec préméditation et mutilation de cadavres», après le démantèlement du camp de Gdeim Izik, le 8 novembre 2010 par les forces de répression marocaines) contre leurs clients et plaidé leur libération. La justice marocaine fera-t-elle amende honorable? Les organisations internationales de défense des droits de l'homme et les grandes capitales européennes sont à l'écoute du verdict qui sera prononcé par les juges du tribunal de Rabat. «Nous suivons de très près le procès des 24 prisonniers politiques sahraouis détenus à la prison de Salé. Notre ambassade à Rabat continuera à insister auprès des autorités marocaines sur l'importance du plein respect des droits de l'homme dans le traitement de cette affaire», a affirmé Alistair Burt le ministre britannique délégué aux Affaires étrangères, chargé de l'Afrique du Nord, qui répondait à la question du parlementaire travailliste Mark Williams, sur la question des droits de l'homme au Sahara occidental soulignant que le gouvernement britannique avait «déjà fait part» de ses préoccupations, à ce sujet, au ministre marocain de la Justice. Epinglé par les ONG internationales de défense des droits de l'homme dont les rapports ont fait état de cas de disparitions, de torture, de détentions arbitraires, de menaces, d'exécutions extrajudiciaires (Centre Robert Kennedy, Human Rights Watch, Amnesty International...), le pouvoir marocain n'a pas, non plus, été épargné dans un rapport adressé au Congrès US, par le département d'Etat américain qui a dressé un réquisitoire sans appel de la politique menée par Rabat dans les territoires occupés (Lire L'Expression du 6 octobre 2012). «La situation générale des droits de l'homme dans les territoires sahraouis soulève un certain nombre de sérieuses inquiétudes, dont les limitations à la liberté d'expression et de réunion, le recours à la détention arbitraire et les abus physiques et verbaux contre les détenus lors des arrestations et emprisonnement» a notamment souligné le document de la diplomatie américaine. Rabat qui n'a pas tenu compte de ces griefs mettra-t-il malgré tout, fin au calvaire des 24 Sahraouis injustement détenus depuis 27 mois à la prison locale de Salé (ville jumelle de Rabat)? Verdict, en principe, dans les prochaines heures...