Le procureur général près la cour d'Alger n'a pas exclu l'émission de mandats d'arrêt internationaux contre certaines personnalités Le juge d'instruction a sollicité l'accord des autorités judiciaires italiennes en vue de se déplacer personnellement à Milan dans le but de rencontrer ses collègues italiens en charge du dossier. Un mandat d'arrêt contre Chakib Khelil et Farid Bedjaoui peut être émis à tout moment. Nouveaux rebondissements dans l'affaire dite Sonatrach 2. Quelques jours après le message du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflik, à l'occasion de l'anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures et de la création de l'Ugta, dans lequel il a exprimé sa «révolte» et «réprobation» par rapport au dossier Sonatrach, la justice se met en branle. Dans un communiqué rendu public, avant-hier, le procureur général près la cour d'Alger, Belkacem Zeghmati, n'a pas exclu, sans les citer nommément, l'émission de mandats d'arrêt internationaux contre l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil et Farid Bedjaoui, neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui. «L'information judiciaire connaîtra, sans nul doute, une cadence accélérée dès réception des résultats des commissions rogatoires internationales par le juge d'instruction et la convocation ou l'émission de mandats de justice à l'encontre de toute personne impliquée sera requise», a affirmé le procureur général. Le travail des enquêteurs s'attellera, entre autres, à vérifier la traçabilité des comptes bancaires et d'interroger les mis en cause par rapport à des «rétrocommissions» qu'ils auraient perçues, moyennant l'octroi de contrat d'hydrocarbures. Ramifications internationales Ainsi, le message de Bouteflika, en sa qualité de premier magistrat du pays, serait en guise de feu vert aux institutions pour aller jusqu'au bout de l'enquête éclaboussant la compagnie nationale des hydrocarbures. Le scandale de Sonatrach a pris des proportions internationales et le réseau constituant cette «association de malfaiteurs» disposerait de ramifications au Canada et en Italie et dans d'autres pays. Selon des rapports publiés par la presse italienne, canadienne et algérienne, ces deux personnages (Chakib Khelil et Farid Bedjaoui) ont joué des rôles-clés dans l'octroi des marchés de Sonatrach à l'entreprise italienne Saipem et canadienne SNC Lavalin, en contrepartie de commissions versées par les responsables de ces entreprises. La justice italienne a instruit l'affaire et poursuit ses investigations. Selon les dernières informations publiées par l'agence Reuters, les procureurs du tribunal de Milan en charge de l'enquête sur ce scandale de corruption ont effectué une perquisition dans un vignoble situé au sud de l'Italie et qui serait la propriété de Pietro Varone, l'ancien directeur de l'exploitation de la branche d'ingénierie de Saipem, et de Farid Bedjaoui. Toutes ces affaires ont entaché l'image de Sonatrach et partant, de l'Algérie à l'étranger, poussant des partis politiques et des organisations de la société civile à appeler la justice à sévir contre les accusés. Même Nicolas Sarkis, spécialiste de renommée internationale dans le domaine du pétrole et du gaz, s'est invité dans le débat. Dans cette lettre qui a soulevé une polémique, M.Sarkis a écrit que tous ceux qui ont contribué à la construction de Sonatrach «ne peuvent qu'être indignés, ulcérés et profondément choqués par les dérapages et les turpitudes de quelques «suspects» qui auraient trahi la confiance placée en eux et failli à leur devoir». A la recherche d'informations... à Milan Dans son communiqué, le procureur général près la cour d'Alger a expliqué que «si certes, l'identité des personnalités algériennes, ministre ou cadres de Sonatrach, visées dans cette affaire, a été clairement portée à la connaissance de l'opinion publique par les organes d'information nationaux et étrangers, la loi algérienne n'autorise pas l'autorité judiciaire à le faire avant leur inculpation officielle». Avant donc d'émettre les mandats de justice, il faudrait vérifier les faits et chercher des preuves irréfutables à travers les commissions rogatoires. Les magistrats et les services de sécurité s'attellent à ce travail avant d'émettre des mandats d'arrêt ou de convoquer les mis en cause dans ces affaires de malversations. «En raison de l'origine des informations sur la base desquelles l'action publique fut mise en mouvement quant aux faits sus-cités, en l'occurrence les diverses commissions rogatoires internationales parvenues aux autorités judiciaires algériennes de la part de ses homologues étrangères (...), le juge d'instruction en charge du dossier devait, en premier lieu, s'assurer du bien-fondé de ces informations, de leur exactitude et de leur crédibilité», a expliqué le procureur général dans le même communiqué. Le déplacement du juge d'instruction algérien en charge du dossier en Italie est aussi à prévoir. Dans ce sens, M.Zeghmati a ajouté que «le juge d'instruction a sollicité l'accord des autorités judiciaires italiennes en vue de se déplacer personnellement à Milan (Italie) dans le but de rencontrer ses collègues italiens en charge du dossier ouvert à leur niveau pour des faits similaires». En tout état de cause, le procureur général a précisé que l'affaire Sonatrach 2 est le prolongement de celle de Sonatrach 1, dont l'information judiciaire vient d'être achevée avec le renvoi des prévenus devant le tribunal criminel, selon l'arrêt rendu par la chambre d'accusation de la cour d'Alger en date du 30 janvier 2013.. «Les faits dont est saisi le juge d'instruction consistent en les délits de corruption, trafic d'influence, abus de la fonction et blanchiment d'argent conformément aux dispositions de la loi 06/01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et celles du Code pénal», a-t-il précisé. M.Zeghmati a rappelé, en outre, le juge d'instruction à décerner plusieurs commissions rogatoires internationales à destination des autorités judiciaires suisses, italiennes et émiraties. En somme, la prise en charge par la justice algérienne de l'affaire Sonatrach, en lançant des commissions rogatoires, permettra, non seulement de redorer l'image du pays, mais surtout d'améliorer le classement de l'Algérie en termes d'indice de la corruption.