Piégés dans le bourbier irakien, les Etats-Unis sollicitent l'aide des Nations unies et des Européens. Profitant de son séjour à Davos, dans le cadre du Forum économique mondial, le vice-président américain, Dick Cheney, a fait un appel remarqué aux «grandes» démocraties leur demandant de «faire tout ce qui est en leur pouvoir pour terrasser le terrorisme et mettre un terme à la diffusion d'armes de destruction massive». Les Etats-Unis qui, au summum de leur puissance ont fait peu cas des consultations avec leurs partenaires stratégiques, redécouvrent l'humilité, M.Cheney arguant que «la coopération entre nos gouvernements, ainsi que des institutions internationales plus efficaces, revêtent plus d'importance aujourd'hui que par le passé». Aussi, à propos de l'Irak il a affirmé que «la démocratie commence à (y) prendre racine» appelant cependant la communauté internationale, et les Européens plus singulièrement, à aider la coalition dans son oeuvre, indiquant: «Nous demandons instamment aux nations démocratiques et aux Nations unies de répondre à la demande de soutien du Conseil de gouvernement (provisoire) irakien pour assurer la transition vers la démocratie». M.Cheney ajoute: «Les Européens savent que leur grande oeuvre de paix, d'unité et de prospérité ne peut pas rester seulement une enclave privilégiée entourée de zones où se développent la haine et le fanatisme». Certes, mais c'est seulement une fois qu'ils se sont aperçus qu'ils ne pouvaient pas gérer à eux seuls (et à leur guise) la planète que les Américains se sont résolus à faire cette ouverture en direction des opposants d'hier à la guerre contre l'Irak. De fait, les observateurs n'ont pas manqué de relever l'absence de personnalités de haut rang des pays les plus engagés contre la guerre comme la France, l'Allemagne et la Russie, au moment où le vice-président américain, Dick Cheney, faisait son discours à Davos. C'est dire que les plaies seront longues à cicatriser, le monde n'ayant jamais admis le cavalier seul américain dans les affaires de géopolitique planétaire alors qu'il y avait un cadre approprié pour ce faire : l'ONU et son Conseil de sécurité. En Irak, Washington se trouve confronté à deux problèmes récurrents : la sécurité et le transfert de pouvoir aux Irakiens. Dans l'un et l'autre cas, les choses se présentent mal et plus que jamais la coalition américano-britannique a besoin de l'expérience de l'ONU et celles des «grandes nations» démocratiques comme vient le faire valoir le vice-président américain. La sécurité est ainsi le talon d'Achille du dispositif américain en Irak. De fait, au moment même où une délégation des Nations unies arrive à Bagdad pour s'enquérir des conditions de sécurité en Irak, - dans l'éventualité d'un retour de l'ONU -, six soldats américains ont été tués entre samedi et hier suite à des attaques et embuscades de la guérilla irakienne. Ce qui n'est guère rassurant pour les envoyés de Kofi Annan, qui constatent qu'il n'y a pas eu une évolution notable depuis l'été dernier dans les conditions de sûreté en Irak. Au plan politique, les choses demeurent plutôt ambiguës et les demandes des chiites ne sont pas faites pour clarifier la donne politique irakienne. En fait les chiites contestent les mécanismes électoraux mis au point par l'accord conclu le 15 novembre entre le Conseil provisoire irakien et l'administrateur en chef américain et devant contribuer à l'érection d'une assemblée provisoire irakienne, première étape du transfert progressif de souveraineté aux Irakiens. Aussi, les chiites qui composent la majorité absolue de la population irakienne réclament des élections au suffrage universel direct et refusent le système de désignation des membres des assemblées devant donner naissance aux futures institutions de l'Irak. Et c'est là un point d'achoppement d'importance, les chiites insistant pour que, à défaut d'élections directes, soit trouvée une solution conforme à l'esprit de liberté et de démocratie. Or, au vu de l'étroitesse du temps imparti pour la mise en place des assemblées, au plus tard à la fin du mois de mai, aussi bien les Etats-Unis que l'ONU estiment que des élections avant le 30 juin prochain sont impossibles. Aussi, au cas où des élections ne peuvent avoir lieu, «cela ne veut pas dire que nous (...) acceptons le principe de la désignation» (des membres de la future assemblée provisoire) indique un proche de l'Ayatollah Ali Sistani, cheikh Abdel Mehdi Al-Karbalaï. De fait, les Etats-Unis se trouvent aujourd'hui sur un terrain qu'ils ont eux-mêmes consciencieusement miné. Or, le déminage s'avère plutôt difficile.