Il a entamé, hier, une tournée dans douze pays dont neuf arabes. Visite dont l'objet affirmé est de rallier les Arabes au projet américain d'attaque contre l'Irak. Pour son premier déplacement, hors des Etats-Unis, depuis la catastrophe du 11 septembre, le vice-président américain, Dick Cheney, veut brasser large en incluant dans son calendrier de visite la presque totalité des pays du Moyen-Orient. Ainsi, outre Israël, le vice-président américain visitera la Turquie, la Jordanie, l'Arabie Saoudite, l'Egypte, le Koweït, Bahreïn, les Emirats arabes unis, Oman, Qatar et le Yémen. M.Cheney a transité, hier, par Londres où il a eu des entretiens avec le Premier ministre britannique, Tony Blair. L'entame londonienne du voyage moyen-oriental du deuxième personnage des Etats-Unis donne en quelque sorte le top et prépare les esprits à ce qui se murmure dans la presse, et dans les chancelleries, - depuis le discours de George W.Bush, contre le fameux «axe du mal», nommément cité (Irak, Iran et Corée du Nord) -, à savoir l'éventuelle attaque contre l'Irak, supputée par les observateurs et analystes depuis le désastre de New York et Washington. Dick Cheney, à l'époque secrétaire à la Défense, a été avec Bush père, et le secrétaire d'Etat James Baker III le principal artisan de la seconde guerre du Golfe (1991) contre l'Irak de Saddam Hussein, avec le soutien actif et décidé de la Grande-Bretagne. Aussi bien l'étape de Londres se présente comme une ultime mise au point entre les deux alliés, qui ont fait de la chute du président irakien Saddam Hussein un objectif stratégique. De fait, la presse britannique, de même qu'un nombre important de députés du parti du Labour de M.Blair, ne cachent pas leur inquiétude face à un engagement, à tout le moins peu productif de leur Premier ministre aux côtés de la première puissance mondiale dans sa guerre contre l'Irak. L'hebdomadaire londonien The Observer croit savoir que la Grande-Bretagne mettra à la disposition des USA 25.000 soldats qui comptent réunir une armée de 250.000 hommes en vue d'une éventuelle invasion de l'Irak. Certes, les services de Tony Blair ont démenti les informations données par la presse de Londres, mais ne semblent avoir convaincu personne. D'autant qu'aujourd'hui seule la Grande-Bretagne soutient la mise en marge, de la société internationale imposée à l'Irak, depuis onze ans par les Etats-Unis. Cependant, ce projet américain d'attaquer l'Irak a besoin du soutien, sinon actif, à tout le moins, compréhensif, des Arabes. Et c'est essentiellement là l'objet du déplacement de Dick Cheney dans les principaux pays arabes concernés, ou intéressés, par une éventuelle intervention américaine dans l'ancienne Mésopotamie. Faire se conformer l'Irak aux résolutions de l'ONU, ou même faire pression pour le retour des inspecteurs en désarmement de l'ONU, n'est en vérité qu'une figure de rhétorique propre à accréditer le souci de Washington de lutter contre le terrorisme international. Une lutte qui devait, qui aurait dû, être placée sous l'égide des Nations unies, quitte à ce que les USA en soient, quelque part, les maîtres d'oeuvre. Ce qui n'est point le cas, ajouté au fait que les Etats-Unis, appuyés par la Grande-Bretagne, maintiennent depuis dix ans un blocus total contre l'Irak, hors de toute résolution ou feu vert du Conseil de sécurité en ce sens. Donc, la tâche du vice-président américain est de convaincre les pays arabes de soutenir et d'aider, en termes de logistique, l'armée que le président Bush envisage de faire débarquer pour attaquer l'Irak. Dans cette campagne américaine contre le pays de Saddam Hussein, il est patent qu'il n'y aura pas de place, ou si peu, pour la question palestinienne et les violences dans les territoires occupés, induites par les massacres de la population palestinienne par l'armée israélienne. Très loin de ce qu'attendent de lui les Arabes sur le dossier palestinien, Dick Cheney, avant même d'arriver en terre arabe, avertit que cette question ne constituera pas sa préoccupation primordiale. C'est ainsi que le vice-président américain indique: «Le voyage a pris un peu plus de signification par rapport au processus de paix en raison de la crise au Proche-Orient, mais je n'accentuerai pas cet aspect.» (du voyage) De fait, le détour de Cheney par Tel-Aviv concernera en priorité la participation de l'Etat hébreu à cette campagne par la fourniture de renseignements sur l'Irak, en l'incitant, en outre, à l'observance d'une certaine retenue, comme cela a été le cas lors de la guerre du Golfe de janvier-février 1991. Cependant, nombreux sont les pays arabes aujourd'hui réticents à la réédition de l'expédition de 1991. Même les Etats arabes, considérés très proches de Washington, comme l'Egypte, l'Arabie Saoudite ou la Jordanie ont, plus ou moins, fait savoir leur opposition à toute attaque contre l'Irak que, selon eux, rien ne justifie. Cela d'autant plus que les Irakiens ont repris langue, depuis lundi dernier, avec le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, en vue d'étudier un éventuel retour des inspecteurs onusiens. Retour possible, selon des sources irakiennes, sous réserve de mise au point d'un calendrier et d'un échéancier strict, quant à la durée de mission des inspecteurs en désarmement. La tâche du vice-président américain de rallier les Arabes à sa campagne contre l'Irak ne semble guère évidente, d'autant que Washington a ignoré, tous ces derniers mois, les fortes sollicitations arabes de s'impliquer un peu plus directement dans l'affaire du Proche-Orient. Sans doute qu'il faudra attendre les premiers contacts de Cheney avec les dirigeants arabes pour avoir une indication plus fiable sur la position que les Arabes vont adopter devant la détermination américaine de faire tomber Saddam Hussein.