Après l'élimination de cinquante terroristes entre 1992 et 1997, la population croyait que la quiétude s'était installée. Mais de nouveaux desperados ont surgi. Notre journal a enquêté... Les habitants de Ksar El-Boukhari affirmaient, à juste titre, que rien ne se passe plus ici depuis cinq ans. Ils ne savaient peut-être pas que des «résidus» continuaient à travailler secrètement au coeur même de leur ville. La stratégie du «caméléonage» en usage depuis 1996 a fait baisser la vigilance de tous. L'accalmie observée répondait précisément à la tactique du groupe, celle de ne pas éveiller de soupçons et motiver des réactions pouvant contrecarrer leur plan. Notre reportage a coïncidé avec l'assassinat, le premier depuis 1996, d'un GLD au quartier Rambaud, ancien fief du sanguinaire Regab. Sur place, nous interrogeons quelques habitants. Rien su, rien vu, rien entendu. C'est la loi de l'omerta qui s'installe par peur des représailles. Plus haut, à Mokhtari et Zaouia, des regards fuyants, des têtes baissées, et des portes qui claquent! Telles sont les réponses que fournissent des ghettos martyrisés par la nuit des longs couteaux. Mais en prêtant une oreille attentive à ce qui se dit en catimini, «treize individus, tous originaires de la ville, formaient un réseau dormant activant pour le compte du Gspc». Après l'arrestation d'un membre de la loge, les autres ont pris la destination du massif de Ouled Antar «où ils recevront des entraînements intensifs pendant six mois avant d'être affectés par l'émir Houti à Ksar El-Boukhari pour semer la mort», nous confie un observateur au fait de la situation sécuritaire. Pour d'autres, ce sont des «repris de justice et des dealers qui ont fait jonction avec le terrorisme». Toujours est-il que depuis quelque temps, des mouvements suspects étaient signalés notamment à la Zaouia où le groupe armé mené par un certain «Medjnoun» opérait des incursions. Où se terrent les terroristes? Les avis se rejoignent sur les anciens repaires utilisés par Sayah Attia entre 1992 et 1995: Rambaud, Mokhtari, Zaouia, Vieux-Ksar et Benalia. Vrai ou faux? Difficile d'y répondre. Cependant, une chose s'avère probable: les anciens circuits empruntés par le fils de Sayah, Djeriba, Matmoura, Regab et Keegan, constituent des poches de repli idéales à partir desquelles les GIA ont fait plus de 200 victimes. Une preuve formelle que les sanguinaires se cachaient bel et bien en ville. Aujourd'hui, les citoyens de Ksar El-Boukhari se posent une multitude de questions. Qui les approvisionnent en argent, nourriture et en renseignements? Par qui et comment s'opèrent les recrutements? Car il faut se rendre à l'évidence qu'un se- cond cercle travaillait et travaille dans une immersion totale. Et c'est inquiétant dans la mesure où l'ouverture d'une zone GIA dans une région où le GSPC était jusque-là hégémonique, pourrait entraîner une reconfiguration de la cartographie terroriste en attirant les groupuscules de Mongorno, Berrouaghia, Rebaïa et Moudjbeur. C'est-à-dire la reconquête d'un territoire perdu avec toutes les conséquences sur le plan sécuritaire. Comme nous l'avions signalé dans nos précédentes éditions, la dissidence de Houti, ancien bras droit de l'émir Abdelkader Saouane, s'est finalement fait au profit du GIA dont l'aire d'activité se limitait à Mongorno, pour les parties Sud et Sud-Est. C'est dire combien l'implication des citoyens est déterminante en matière d'informations pour faciliter la tâche aux ser- vices de sécurité qui livrent une lutte implacable contre les cavaliers de l'Apocalypse. En aval, se pose avec acuité la capacité de répondre aux problèmes millénaires de l'emploi, du logement qui irriguent en permanence le vivier de la violence. La lutte antiterroriste passe inévitablement par la reconstruction du social. L'urgence n'est plus à chercher qui a refusé de s'embarquer sur le rafiot du totalitarisme...