Le chanteur d'expression kabyle, Akli Yahiatène, a fait le bonheur de ses nombreux fans qui ont apprécié le riche et singulier répertoire qu'il leur a dédié lors du concert animé vendredi à la salle Ibn-Khaldoun à l'initiative de l'établissement Arts et culture. Une communion parfaite a caractérisé la rencontre musicale de cet artiste qui compte parmi les plus populaires avec son public venu réécouter les tubes qui l'ont bercé depuis des dizaines d'années pour les plus âgés. Le lien est fort entre les deux et l'assistance a tenu à l'exprimer dès l'apparition de son idole sur scène: Akli Yahiatène est chaleureusement ovationné et a eu droit à un accueil digne des vedettes immortelles. A peine entamées les premières notes de la chanson Thamurtiw thamurth Idhurar (Mon pays est celui des montagnes), le public est emporté par la beauté de la mélodie et la profondeur des paroles qui chantent la Kabylie altière et splendide. Il en sera ainsi pour le reste des chansons: El Firak (La séparation), Aminign Awal Fahmith (Je te dis une parole à saisir) que des auditeurs se fredonnent sans relâche. Lorsqu'il entame une de ses chansons phares Akham (La maison), c'est un moment fort pour le public et l'auteur de ce tube mélancolique qui évoque la décrépitude qu'entraîne l'abandon d'une maison par ses occupants. Yahiatène choisit de le chanter debout comme pour mieux se rapprocher de ses fans qui méditent des refrains aussi poétiques que philosophiques: A Yakham wikisloughen? (Ô maison, qui t'a souillée?), A Yakham wikinoughen? (Ô maison qui t'a disputée?), Athssant walniw segumettawen (Mes yeux rient de larmes), etc. L'ambiance est plus festive lorsque le chanteur entame Zrigh zine dhi Michelet (J'ai vu la beauté à Michelet). Ni lui ni ses fans ne peuvent s'empêcher de se laisser aller au rythme de l'air entraînant. Cette chanson qui rend hommage à la Kabylie (grande et petite) à travers les particularités de ses différentes localités: Aïn El Hamman, Ath Yenni, Boghni, Aït Yala, Yemma Gouraya etc, avant de faire un clin d'oeil à El Assima (La capitale) est l'une des plus appréciées des fans de Yahiatène. Le public qui se reconnaît dans l'une ou l'autre des régions qui y sont évoquées s'enthousiasme et exprime sa joie en saluant le chanteur pendant que la piste est de plus en plus envahie par les danseurs. L'assistance est comblée par la prestation de l'artiste adulé dont le souffle, la voix et l'endurance ne semblent nullement entamés par le poids de l'âge. A 83 ans, Akli Yahiatène garde la forme et retrouve comme une seconde jeunesse sur scène: il enchaîne sans s'interrompre deux à trois chansons et gratifie son public de son registre le plus attendu. Même l'arabe algérois n'est pas en reste: à travers Ya moulet El Hayek (Ô Celle qui porte le voile), il chante la beauté de la femme algéroise tout en regrettant la disparition de cet habit typique à la capitale. «Si je pouvais chanter en chaoui, je l'aurais fait, je suis fier d'être Kabyle et Algérien. Je ne peux m'empêcher de penser à des maîtres de la chanson algérienne qui m'ont inspiré comme Dahmane El Harrachi, Allaoua Zerrouki, Slimane Azem, Guerrouabi et bien d'autres», déclare-t-il à l'APS. Né en 1930 à Aït Mendès, près de Boghni à Tizi Ouzou, il immigre dans les années 1950 en France où il travaille comme manoeuvre dans les usines d'automobiles. Dans le quartier latin où était établi Allaoua Zerrouki, il fit la rencontre de Slimane Azem et de Cheikh El Hasnaoui. Il est suspecté de collecter des fonds pour le Front de libération nationale (FLN) et est emprisonné à maintes reprises. En prison, il composera de nombreuses chansons à succès évoquant l'exil, l'amour du pays comme Yal menfi (L'exilé), Ya Moudjarrev (L'expérimenté), Jahegh Vezzaf (Je me suis laissé allé). Ses chansons ont été reprises par des artistes plus jeunes comme Rachid Taha pour Yal menfi.