Une opportunité incontestable pour le pouvoir de donner au projet une assise et une caution citoyennes. La rencontre entre le gouvernement et les représentants du mouvement citoyen a surpris et continue de surprendre les observateurs politiques. La facilité presque déconcertante affichée par le chef du gouvernement à satisfaire d'abord les préalables, puis les différents points de la plate forme d'El-Kseur, dénote, la rigueur des conciliabules tenue en haut lieu du pouvoir. Des sources très au fait du dossier de la crise de Kabylie ont indiqué à L'Expression que bien avant l'appel au dialogue, les décideurs algériens se sont penchés sur les méthodes, les voies et les moyens adéquats pour appliquer les différents points consignés dans le document d'El-Kseur. Les mêmes sources ont ajouté que le caractère officiel de la langue tamazight est déjà pris en charge de même qu'une chaîne de télévision d'expression amazighe est acquise. Aussi, précisent ces sources, la suspension du dialogue n'est qu'un moyen d'anticiper sur une éventuelle flambée de violence en Kabylie. Cette tension s'est d'ailleurs manifestée par l'agression d'un dialoguiste, M.Mazouzi, à Tizi Ouzou et des émeutes à Tazmalt suite à l'annonce de la révocation des indus élus. En outre, les mêmes sources notent que dans cette optique, la «croisade» d'Ouyahia est loin de signifier un recul du pouvoir, précisant qu'elle va, au contraire, créer les conditions d'une formidable avancée vers le règlement de la crise à l'échelle nationale et dans le cadre d'une démarche globale. En revanche, c'est la plate-forme d'El-Kseur qui apparaît dans toute sa dimension à caractère national. La démarche globale n'est autre que la commission de réforme des structures de l'Etat, explicitent les mêmes sources. Aussi, selon ces dernières, les différents points contenus dans la plate-forme trouveront leur règlement, soit en rapport avec les exigences du contexte international, comme la démocratisation et les droits de l'homme et la séparation entre le militaire et le pouvoir civil, soit dans le cadre d'une nouvelle Constitution, comme le caractère officiel de la langue tamazight. C'est là une opportunité incontestable pour le pouvoir de donner au projet de réforme de l'Etat une assise et un caution citoyenns. Le 26 décembre 2000, le comité de réforme des structures et des missions de l'Etat a été installé. Le rapport de la commission Sebih a été rendu au président de la République il y a plus d'une année, et un Conseil des ministres a entériné ses recommandations. Si dans la forme le parallèle entre les deux projets est frappant, dans le fond, ils s'avèrent complémentaires, soulignent nos sources. La plate-forme d'El-Kseur et la réforme des structures de l'Etat sont deux projets de société qui sont, depuis 2001, à l'avant-garde de la campagne destinée à faire basculer l'Algérie dans un système de gestion décentralisé, transparent et équitable. Ce qui peut se comprendre comme une réponse à ce déséquilibre criant constaté entre un centre qui absorbe l'essentiel des richesses et une périphérie livrée à son sort et qui vit tout cela comme une profonde injustice. C'est donc dans ce cadre que sera pris en charge le véritable écueil de la plate-forme d'El-Kseur, le fameux point onze: «La mise des autorités exécutives et des corps de sécurité sous l'autorité effective des instances démocratiquement élues.» En plus de sa dimension historique - la primauté du politique sur le militaire, telle qu'énoncée par Abane Ramdane en 1956 - le point onze a également une dimension qui dépasse les frontières. Dans le cadre de ces engagements internationaux, l'Algérie est appelée à concrétiser cet objectif de même que l'instauration d'une véritable démocratie et du respect des droits de l'homme. Le défilé, à Alger, de personnalités politiques américaines et européennes procède ainsi de la nécessité de satisfaire à cette exigence. Appuyant leur analyse, les mêmes sources relèvent le rendez-vous des pays de l'Otan en juin 2004. En effet, l'Algérie participera au conseil des ministres des pays de l'Otan qui se tiendra à Bruxelles. Faut-il donc s'attendre à l'installation d'un ministre de la défense dans un gouvernement civil algérien? Tout concorde à répondre par l'affirmative.