Ces protestations qui se propagent à travers le territoire national sont un symptôme du mal-être qui habite l'Algérien depuis longtemps Dans une conférence de presse donnée ce mercredi, Louisa Hanoune a accusé, sans détour, l'ex-chef de gouvernement Benbitour de jouer à la manipulation au Sud. Est-ce que sa candidature dérangerait à ce point? Sinon, pourquoi personne n'a rien dit jusque-là? Pourquoi a-t-il fallu qu'il se prononce sur son éventuelle candidature pour que commence le travail de sape? Et puis, est-ce le rôle d'un chef de parti que de jouer à l'accusation? N'y a-t-il pas de justice pour soccuper de ces problèmes? Si Benbitour ou quiconque d'autre que lui, l'a fait, s'il joue à faire bouger les gens pour des desseins quelconques, que la justice s'en charge, et le problème sera réglé au niveau adéquat, c'est-à-dire dans un tribunal de la République algérienne et par la partie idoine, c'est-à-dire la justice algérienne. Chacun son métier et le troupeau sera bien gardé, dit le proverbe. Une certaine idée de la République Il n'est point besoin, dans une démocratie, que des chefs de parti jouent aux pompiers ou aux sirènes parce que cela signifie, tout simplement, qu'ils se portent volontairement absents sur le terrain qui devrait être le leur! Militer, c'est oeuvrer pour le bien du pays, là où il se trouve, on est, on ne peut plus, d'accord, mais militer n'a jamais signifié jouer à intimider ou à effrayer les autres. Tout le monde le sait et ce n'est certainement pas la chef du PT qui nous contredira... Mme Hanoune brandissait, hier encore, la menace extérieure pour expliquer la manifestation des chômeurs de Ouargla. Aujourd'hui, elle accuse Benbitour d'être derrière celle des gens de Ghardaïa. A ce rythme, Mme Hanoune devrait bientôt nous trouver des responsables à tous ces mouvements de protestations qui meublent le paysage quotidien et minent la scène politique nationale. Il faudrait qu'elle nous dise aussi, du moment qu'on y est, qui est derrière les employés du secteur des finances, qui est derrière les employés des APC, qui fait bouger les boulangers, qui a fait bouger les employés des cités universitaires etc.... etc. Est-ce bien sensé, finalement, que de vouloir toujours expliquer les choses autrement que par leurs véritables causes? Est-ce assez intelligent que de chercher le soleil sous terre lorsqu'on sait qu'il n'y est pas? Et, d'abord, est-ce normal que l'on crie au feu à tout bout de champ et que l'on tire sur tout ce qui bouge? La sagesse nous impose de savoir raison garder. La démocratie ne peut pas être sélective lorsqu'il s'agit de donner aux citoyens leurs droits. Nul n'a le droit de dénier aux autres ce qu'il revendique lui-même. Lorsqu'on a envie d'avoir le droit de se porter candidat aux présidentielles de son pays, il faut avoir le courage et l'humilité de reconnaître ce droit aux autres, sans les insulter, sans les dénigrer, sans les accuser de quoi que ce soit. Nul n'est plus patriote que les autres. Quant à la tutelle du peuple, à vrai dire, tous ont parlé au nom de ce peuple et tous continuent de le faire. Même ceux qui lui ont causé le plus de torts. Vouloir jouer au gardien de la République est une bonne chose. C'en est même une excellente tant que cela ne consiste pas à vouloir garder seulement une certaine République, ou à défendre uniquement une certaine idée de la République. Que se passe-t-il donc dans notre pays pour que, d'un coup, tout semble s'arrêter et plus rien ne semble aller? Qu'y a-t-il dans notre pays de nouveau qui a fait que certains sortent ostensiblement de leur rôle de chefs de parti pour se glisser dans celle de leader de l'accusation publique? La question qui se pose aujourd'hui est simple, claire et tout à fait normale: de quoi certains noms sont-ils les noms? On n'a pas besoin de lunettes pour voir que ce qui se passe ces jours-ci en Algérie n'est ni bon ni de bon augure. Ces protestations qui, tel un feu de paille, se propagent à travers le territoire national sont, si besoin est, un symptôme du mal-être qui habite l'Algérien depuis longtemps. Les chômeurs et les jeunes de Ouargla ont ouvert le triste bal, suivis de peu par ceux de Laghouat, de Ghardaïa, en attendant les autres wilayas du Sud... Les employés des APC ne sont pas en reste alors que les employés du secteur des finances leur emboîtent le pas. Comme pour rendre les choses plus difficiles encore, les boulangers menacent de ne plus mettre la main à la pâte...c'est vraiment le cas de le dire! Ces revendications, toutes celles qui les ont précédées et toutes celles qui les suivront indiscutablement, devaient arriver un jour ou l'autre. Et elles sont arrivées! Elles sont arrivées parce qu'erreurs il y a eu dans la gestion du pays. La tête enfoncée dans la douceur de l'inconscience, beaucoup de nos responsables ne savaient même pas qu'ils menaient le pays vers la situation qui est sienne aujourd'hui. Le fruit pourri des erreurs de gestion du pays Un pays qui a toujours été miné par leur incapacité, ruiné par leur incompétence et détruit par leur inaptitude. Conduisant au jour le jour les affaires du citoyen, lorsqu'ils le font, bien sûr, ils n'ont jamais pensé qu'il puisse exister d'autres manières de faire les choses, comme la planification et la stratégie par exemple. Ces manifestations de colère qui secouent le pays, à un moment où nous aurions tant aimé nous en passer, ne sortent pas du néant. Elles proviennent des mauvais choix des hommes et de l'obligatoire mauvaise conduite des affaires du citoyen qui en découle. La médiocrité érigée en valeur et l'arrogance en principe, tels ont été les piliers essentiels sur lesquels a reposé la gestion du pays depuis des dizaines d'années. Il ne sert à rien de vouloir aujourd'hui chercher ailleurs les coupables, ils sont tout désignés par leur oeuvre. Nous récoltons le fruit pourri des erreurs cumulées dans la gestion du pays! Depuis le début des années 1980, le sérieux a été échangé contre ce qu'il faut appeler un «dervichisme économique» sans précédent. Qui a oublié le fameux slogan «Pour une vie meilleure» au nom duquel on s'était mis à troquer, de manière minable, les ressources longtemps accumulées en vue du développement du pays contre quelques vulgaires caisses de bananes et d'ananas que ramenaient les Cofel d'alors? Qui a oublié ce célèbre «Pour un avenir meilleur» qui nous a fait verser des milliards, sans utilité aucune, dans les mauvais trottoirs et dans des conteneurs qui commençaient à faire vivre les économies d'ailleurs, ce qui a fini par détruire des entreprises comme, surtout, la Sonacat et l'Eniem avant de saper tous les efforts jusque-là consentis pour le développement du pays? Qui a oublié? Au pays, nous avons perdu toutes les valeurs à commencer par la valeur travail. Nous avons échangé l'espoir des jeunes contre des ambitions poussiéreuses, déplacées et souvent illégitimes. Nos repères plusieurs fois millénaires ont été déracinés, nos convictions ancestrales ébranlées. Nous n'envoyons nos enfants à l'école que pour ne pas les laisser à l'étroit. Nous ne construisons des universités que pour les inscrire dans nos réalisations, nous n'organisons des festivals que pour consommer des budgets faramineux. Nous n'établissons des lois de finances que pour les faire suivre de lois complémentaires. De budget complémentaire en budget complémentaire, nous avons fini par nous convaincre nous-mêmes que nous avons découvert la triste règle de l'exception. Et depuis, nous vivons avec! Si, aujourd'hui, des enfants, des chômeurs, des pères de famille, des jeunes diplômés sans travail, des familles en détresse expriment leur ras-le-bol, ce n'est pas faute d'avoir attendu. Il faut se mettre au travail et cesser de tout expliquer par la main étrangère ou les Benbitour et les qui sais-je encore. Lorsqu'on se prend soi-même pour modèle... Il est temps aussi de cesser de vouloir tout justifier car ce qu'il est demandé à un responsable ce n'est pas d'arriver à expliquer un mauvais rendement, une mauvaise gestion ou une insuffisance quelconque dans son secteur. Ce qui lui est demandé, c'est plutôt d'avoir assez de capacités d'abord, de cran et de courage ensuite, pour remédier à cette insuffisance ou tout autre. Tout récemment, une journaliste qui posait une question à un ministre s'est vu répondre que «c'est là un travail humain et tout travail humain est imparfait!» (sic!). Tel ne doit surtout pas être notre raisonnement, Monsieur le ministre, car reconnaître que tout travail humain est imparfait doit servir à toujours chercher à le perfectionner pour en corriger les imperfections et non à justifier notre incapacité à mieux faire et condamner le pays à se contenter de ce que notre incapacité impose. Il n'y a pas de honte à reconnaître que nous faisons mal les choses, mais il y a beaucoup de mal à vouloir faire croire aux autres que nous faisons de notre mieux lorsque ce n'est pas vrai. Beaucoup de nos responsables ont la mauvaise manie de se croire mieux que le reste du monde. Il est temps que cessent ces replâtrages Or, lorsqu'on se prend soi-même pour modèle, on n'avance jamais. Le ver est dans la pomme. Il est tout nu. Inutile de vouloir le cacher. L'erreur est celle de ceux qui ont mené nos affaires. Il est temps de regarder autrement l'Algérien et l'Algérie. Ceci ne signifie nullement qu'il faut se réveiller, déclarer reconnaître que ceux qui ont manifesté ont raison et puis se rendormir... les temps sont graves et les changements sont impératifs. Mais pour changer, il est nécessaire d'abord de changer notre manière de résoudre nos problèmes. Le problème que le jeune Algérien, que le chômeur du Sud et du Nord, que les pauvres et les nécessiteux de tout coin de notre pays soulèvent, demande pour sa résolution, une réflexion sérieuse, rigoureuse. Il est temps que cessent ces replâtrages d'au jour le jour, sans planification, sans prévision des conséquences et sans aucune réflexion. Il est temps de laisser faire les spécialistes et de comprendre, une fois pour toutes, qu'il n'est pas demandé aux politiques de résoudre les problèmes économiques et sociaux du pays. Il y a des gens qui ont étudié pour cela et qui ont les compétences nécessaires pour le faire. Un ministre, cela ne peut ni ne doit être un encyclopédiste, un omnipotent ou un homme à tout faire, et on ne lui demande pas d'être un surhomme, d'être un architecte doublé d'un médecin, d'être un génie en informatique, un spécialiste de la communication, un super planificateur et un fin stratège... quiconque croit qu'un ministre doit être un superman en quelque sorte, se trompe énormément car un ministre cela sert à gérer un secteur en fonction de la politique de l'Etat qu'il représente. Pas plus! Or, gérer n'a jamais signifié pour autant que l'on sache, faire soi-même les choses. L'une des plus belles définitions de la gestion c'est justement de «savoir faire faire les choses!» et l'on ne trouvera nulle part dans ce monde ni dans aucun manuel que gérer signifie tout faire soi-même, car ceci est la négation même de la gestion.