Mourad B. est un divorcé qui cherche à exercer le droit de visite au cabinet de Aïn Allah alors que ses enfants se trouvent à...Oued Romane!!! Jamais, depuis qu'elle préside aux destinées de la correctionnelle à Bir Mourad Raïs (cour d'Alger), Inès Kouhil-Boughaba a eu à traiter un dossier dramatique, aussi sensible, aussi explosif que celui d'avant-hier devant une salle comble. Insultes et menaces de mort: faits prévus et punis par les articles 297-299 et 234 du Code pénal. La victime: une avocate en son cabinet à Dély Ibrahim (Alger) a refusé de recevoir l'ex. en lui rappelant qu'elle réside à Oued Romane (El Achour). L'inculpé: un élégant ex-mari du conseil, venu voir ses enfants selon l'arrêt de la cour d'Alger. Les enfants! Un enjeu, un jeu dangereux, des risques, des larmes, des mots et des maux. Dans cette affaire, il y a deux versions: la première. Celle de la victime qui a enfoncé son ex-chéri dont la version sera donnée d'une manière poignante, écrasante, tuante! Au milieu de ce tableau idyllique, les avocats. Et il y en avait! - Ceux venus défendre K.M. la consoeur humiliée, menacée, insultée, salie. - Ceux venus avec beaucoup d'acharnement prendre en main le destin du client face à une Kouhil-Boughaba qui a enfilé ce dimanche une robe de juge sur laquelle elle a jeté une autre allant très bien à un imam. Entre les deux groupes d'avocats constitués, il y a ceux qui, comme Maître Chérif Lakhlef, le turbulent membre du Conseil de l'ordre, sont venus au secours de l'inviolabilité du cabinet d'avocat. Une position que tous ici ont compris, à commencer par la nombreuse famille de l'inculpé détenu déjà depuis plus de deux semaines. Maître Lakhlef fera bonne figure d'ailleurs dans ce chapitre où il excelle souvent, surtout que ce point sensible pousse tous les avocats dans la rue protester contre cette atteinte. Un point commun qui unit les efforts de tous les avocats. Selon les déclarations de K.M. la victime, aujourd'hui absente à la barre (la loi ne l'obligeant pas à être présente lors des débats), son ex. serait venu taper à la porte du cabinet situé non loin du home de madame qui a la garde des enfants. Refusant d'ouvrir la porte, la maman-avocate pousse plus loin que faire la sourde oreille, estimant que l'ex. n'avait qu'à se présenter à la maison où la belle-maman surveille les gamins, plutôt libres ce samedi. Maître Farid Oukal et Maître Samira Bitata suivaient religieusement les faits. Rien à faire, Mourad continue à taper estimant être dans ses droits. «C'est le jour de l'exercice du droit de visite et c'est elle qui doit me remettre nos enfants!» pense-t-il parallèlement. Il continue donc de taper à la porte jusqu'à ce qu'un gaillard (absent aujourd'hui à la barre) lui ouvre la porte et lui signifie d'aller voir ailleurs: «Vos enfants sont à la maison, pas au cabinet!» Le papa voit rouge! Il se laisse aller, toujours selon la victime à cracher un vocabulaire recueilli sur le procès-verbal d'audition. Malheureusement pour lui (et heureusement pour la dame), dans le cabinet, il y avait des gens dont deux avocates stagiaires dont le précieux témoignage sera désa-streux pour Mourad lors de la confrontation au parquet. C'est l'écrou et la taule. Un véritable sacrilège pour cette famille honorable d'intellectuels propres, au-dessus de tout soupçon! Mais si les justiciables ne connaissaient pas la réputation de la justice tapante, ils devraient connaître celle du tribunal de Bir Mourad Raïs où l'indulgence du parquet est...bannie: «Tu as fait? Tu payes!» tel est le leitmotiv de Zoubir Talbi et ses nombreux adjoints (Dieu bénisse!) Le 20 mars, soit 17 jours après les faits, c'est l'audition et l'écrou. Le ciel tombe sur la tête de Mourad. L'ex. est traîné devant le tribunal correctionnel de Bir Mourad Raïs (cour d'Alger) avec deux boulets: insultes et menaces de mort à l'encontre de son ex-épouse et mère de ses enfants. Il y avait beaucoup d'avocats pour un si «petit» dossier comme il apparaîtra juste après la perspicace intervention de Ines Kouhil la présidente toujours souveraine. En effet, prenant le taureau par les cornes, la juge a tenu à faire la part des choses avant d'aller au fond. Cette pertinente intervention a eu lieu juste après que l'inculpé, un septuagénaire élégant qui ne connaissait visiblement pas les us et coutumes des juridictions, surtout que son ex est une avocate et que les deux délits s'étaient déroulés dans le cabinet de la victime. Au cours de son appel à la raison, Kouhil avait rappelé que derrière tout divorce, il y a des catastrophes à éviter. Parmi l'une d'elles, il y a les enfants à préserver par un comportement digne. «Les enfants ont besoin, aussi bien du papa que de la maman. Il faut impérativement éloigner les bambins des désaccords et de la haine.» Elle avait décortiqué le dossier en y remarquant que le 9 mars 2013, la date de l'écrou, était loin de celle du 3 mars, le jour des faits. Les quatre avocats de Mourad B. en l'occurrence, Maître Fadila Oukal, Maître Samira Betata, Maître Manel Mana et Maître Lazazi Rami considéraient, à leurs yeux, que le dossier était quasi vide. Et ce qui allait encore les conforter dans leurs légitimes position et raisonnement, c'est le témoignage surprise de ce vieil homme venu à la barre dire qu'il était à la maison sise à Oued Romane (El Achour) alors que les faits s'étaient déroulés à Aïn Allah (Dély Ibrahim). C'était plutôt la stupeur de ce côté et l'indifférence chez Maître Lakhlef, Maître Kamel Hemdani, Maître Nabil Lakhdari, Maître Mehdi Menaceur et Maître Mohammed Seghir Djellad, ces sacrés défenseurs qui ont manié le chaud et le froid, juste de quoi chauffer le fer rouge tendu par leur cliente. Les débats plutôt bien menés par Kouhil-Boughaba tenace, correcte, debout et vigilante prennent fin après les plaidoiries nombreuses de Maître Rami et Maître Lakhlef.