Le métier d´avocat est plein de risques. Follow me! Un avocat victime du délit d´atteinte à l´honneur est debout à la droite de l´inculpé, un quinquagénaire qui crie lui-même à l´escroquerie dans une sordide affaire, mettant en cause le client de l´avocat victime et l´inculpé du jour. Rusée comme tout, ayant été elle-même avocate avant d´opter pour la stabilité - i-e la juge du siège - Sihem Bechiri, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d´Alger), a refusé toute tentative de déviation du délit. Elle l´a dit et répété: «Nous avons un délit prévu par l´article 303 bis du Code pénal et nous nous en tiendrons là.» Seulement, voilà, les choses s´étaient corsées au moment où la victime avait pointé l´index du côté de l´inculpé lequel aurait, dans un passé récent, effectué une véritable campagne de dénigrement et de déclarations mensongères allant dans le sens -selon l´avocat victime- d´une opération montée pour la déstabilisation de ce jeune avocat ambitieux et estimé par ses pairs. Or, l´avocat victime a usé du proverbe qui dit à peu près cela: «La répétition est l´âme de toute pédagogie» ou pour faire plus mal: «Le marbre se brise à la suite d´une série de petits coups donnés d´une manière cadencée, répétée et reconduite.» «Je ne pouvais plus me montrer dans les lieux que j´aime fréquenter», a balancé l´avocat victime qui a dit son désespoir d´avoir appris que l´immunité du cabinet avait été violée à la suite de l´info donnée par l´inculpé lui-même, en l´occurrence, qu´il détenait sur lui une K7 audio où on pouvait suivre des vertes et des pas mûres lâchées par l´avocat assis sur le siège de son cabinet. «C´est une atteinte grave à l´immunité de l´avocat et le bâtonnat d´Alger va se constituer partie civile dans ce dossier», s´est égosillé Maître Lakhlef qui va malmener l´inculpé qui a osé entrer dans le cabinet d´avocat, un enregistreur en poche. La loi punit ce genre de comportements. «Même la police judiciaire ne peut s´amuser avec ce genre de procédés, sauf autorisation du parquet», précisera Mourad Hellal, le procureur qui va requérir plus tard une peine de prison ferme de un an. Venus en nombre, les avocats ont choisi le membre du Conseil de l´Ordre, Maître Lakhlef. Et lorsque l´avocat victime prit la parole, il s´était permis non pas une plaidoirie à laquelle s´attendait sans doute cette douce mais intraitable Bechiri qui a eu à supporter - excusez la répétition - une longue plaidoirie, mais aussi un court et assommant réquisitoire. Prenant en compte le fameux adage qui dit «qu´il n´y a que tes ongles pour te gratter et tes cils pour pleurer» la victime avec sa tête d´ado jovial, reprit la genèse de l´affaire: Madame la présidente, au début, cet inculpé était l´adversaire de mon client. Il avait effectué un faux sur un chèque en ajoutant un zéro, au nombre de quarante mille qui passera donc à quatre cent mille. Puis, la sensibilisation, les sermons, les mises en garde aidant, il se rendit à l´évidence et reconnut sa bêtise. Les «deux parties en vinrent ensuite au règlement à l´amiable, avant que d´autres problèmes ne viennent envenimer l´atmosphère», avait récité le défenseur victime qui s´est dit par la suite offusqué, humilié, diffamé, injurié et allant jusqu´à être traité d´escroc: «Oui, madame la présidente, prenez mon mal en patience car ce monsieur allait d´un endroit à un autre de Bouzaréah à Bir Mourad Raïs, en passant par El Biar et la cour d´Alger, criant à qui voulait l´entendre que j´étais un escroc. C´était franchement insupportable et ce, d´autant plus qu´après avoir déposé plainte à mon encontre auprès du bâtonnant avant de la retirer comme si de rien n´était», a ajouté le conseil-victime qui allait enfoncer le clou lorsque l´inculpé avait reconnu avoir retiré la plainte car, il avait été arnaqué une autre fois en voyant mon fric être remplacé par du papier journal enveloppé par des billets de mille dinars soigneusement dépliés. «Là aussi, la mauvaise foi de ce personnage n´a d´égal que sa méchanceté en se leurrant sur ma conduite, celle d´un avocat consciencieux, loin de tout ce qui peut heurter mes clients, les justiciables, mes confrères et mes consoeurs et les magistrats. A vrai dire, madame, on a placé une sourcière devant un trou de rat d´égout et où j´avais le rôle du gruyère-appât», a lancé, en guise de boutade et probablement pour dégeler l´atmosphère lourde qui sévissait dans la salle d´audience, la victime. Celle-ci une semaine plus tard, écoutera le verdict condamnant son adversaire qui va, certainement interjeter appel. L´avocat, lui, a repris ses esprits et ses activités comme si de rien n´était arrivé. Ouf!