Un nombre effrayant d'exemples et de preuves permet aux onze de dire que «la fraude anticipée et indirecte a commencé». C'est, désormais, le branle-bas de combat dans les permanences des candidats à la présidentielle alors que la convocation du corps électoral doit se faire incessamment et que la date de clôture de la campagne de collecte des signatures doit prendre fin obligatoirement dans les quinze jours qui suivent la publication (et non pas la signature) du décret portant convocation du corps électoral. Or, celle-ci, croit-on savoir, devrait intervenir au plus tard ce lundi au cours d'un discours à la nation que devrait prononcer le président Bouteflika. L'opposition, notamment celle du groupe des onze, n'a plus beaucoup de temps devant elle. Or, l'ensemble des personnes que nous avons jointes hier s'accordent à mettre en exergue «le terrorisme administratif sans précédent exercé aussi bien sur les citoyens que sur les comités de soutien», un constat qui tranche nettement avec «les assurances et promesses formulées par les pouvoirs publics», aussi bien par le ministre de l'Intérieur, le chef du gouvernement que le président de la République. Nos sources, à l'appui de leurs dires, avancent des exemples précis de dépassements commis en vue d'empêcher les candidats sérieux, capables de faire de l'ombre au président-candidat d'atteindre la barre des 75.000 signatures. «Nous recevons des alertes des quatre coins du pays, que nous nous empressons de transmettre immédiatement au ministère de l'Intérieur.» Mais, ce dernier, loin de prendre en ligne de compte ces nombreuses plaintes, semble au contraire «accroître ses pressions à mesure que les candidats sérieux se rapprochent du chiffre magique des 75.000 signatures». Nos sources, en exclusivité, nous révèlent une bonne partie des dépassements constatés par eux durant cette campagne de collecte des signatures. Ainsi, «dans de nombreuses localités du pays, des instructions verbales sont données aux huissiers de justice pour ne pas légaliser plus de quinze formulaires par jour ce qui constitue une véritable aberration juridique dont le véritable motif est d'empêcher les candidats de l'opposition de contourner le terrible écueil que constitue l'administration». Car, sur ce propos, nos sources ne tarissent pas d'exemples. Globalement parlant, l'écrasante majorité des communes dissuade les citoyens, et surtout les citoyennes en exigeant leur présence physique pour les laisser poireauter des heures durant. «A Sidi Bel Abbès, un agent des renseignements généraux est constamment assis au bureau des légalisations, ce qui a pour conséquence d'intimider les citoyens et d'en obliger beaucoup à rebrousser chemin en attendant des jours meilleurs.» Un procédé pour le moins anormal, ce que l'APC de Aïn-Témouchent semble avoir plus ou moins suivi puisque là-bas, «des policiers en civil sont systématiquement postés à l'entrée de l'édifice, ce qui génère globalement les mêmes effets négatifs sur la campagne de collecte des signatures des candidats de l'opposition». A Bouira, «le cachet légal utilisé est daté de 2005 tandis qu'à l'APC de Kouba il est daté du 4 janvier alors que tout le monde sait que la collecte des signatures a démarré le 9 janvier». Nos sources se demandent s'il ne s'agit pas d'une manière détournée de rejeter par le Conseil constitutionnel les paquets de formulaires récoltés dans ces conditions pour le moins douteuses. A Boussaâda, la commune, apprend-on encore, continue d'exiger la fourniture de factures de location, d'eau ou d'électricité alors que Zerhouni s'était officiellement et publiquement rétracté par rapport à cette question. A Chetiya, dans la wilaya de Chlef, «c'est le P-APC en personne qui s'occupe de cette question. Il accorde audience aux citoyens désireux de signer en faveur des candidats de l'opposition. Il tente par tous les moyens de les en dissuader, allant parfois jusqu'à leur refuser catégoriquement son paraphe.» La cerise sur ce «gâteau» enfin, concerne la commune de Talmine, dans la wilaya d'Adrar où on refoule simplement les citoyens désirant signer en faveur d'un quelconque candidat de l'opposition. Outre les plaintes régulières et publiques soulevées par le groupe des onze, chacun des candidats a eu très souvent à saisir le ministère de l'Intérieur à titre individuel, ce qui fait que Zerhouni ne saurait raisonnablement affirmer ne pas être au courant de tous ces dépassements qui, aux yeux de nos sources, «constituent une fraude anticipée et indirecte qui génère un climat de suspicion entre l'administration d'un côté et les candidats et les électeurs de l'autre». Il est carrément question d'un «verrouillage systémati-que» en vue de mettre en échec, de la manière la plus antidémocratique qui soit, les candidats sérieux qui, déjà en 1999, avaient donné des sueurs froides à l'actuel «président-candidat».