Depuis son passage par la présidence jusqu'à ce jour, Ahmed Ouyahia poursuit inlassablement le même rêve: devenir premier magistrat du pays. Aïssa Nouasri, président du comité de sauvegarde du RND, invité hier de notre rédaction, n'a guère été tendre avec le secrétaire général de son parti. «Cet homme, nous a-t-on dit, est connu pour ses pratiques depuis qu'il était chef de cabinet du président Zeroual». «Il aime, nous dit-on encore, à faire le vide autour de lui au point qu'il a fini par être surnommé à cette époque le Raspoutine algérien». Son ascension à la tête du gouvernement ne semble pas avoir arrangé les choses. Profitant, en effet, d'une conjoncture favorable issue de la campagne médiatique de 98, pour supplanter Benbaïbèche et se faire nommer patron du RND. Assez de recul ayant été pris par Aïssa Nouasri et ses alliés, il est révélé que «le travail de sape a commencé depuis l'arrivée en décembre 98 de Ouyahia à la tête du RND. Il a, en effet, empêché les députés de revenir à leurs bases, de demeurer à l'écoute des populations locales en leur interdisant d'ouvrir des bureaux locaux et de se faire élire coordinateurs de leur localité». Recul étant pris donc, il semble que ce choix ait été fait exprès dans le seul but de pratiquer un grand nettoyage par le vide en prévision des futures échéances électorales. Ce ne sont pas seulement les députés qui lui tenaient régulièrement tête qui ont été écartés, mais aussi les parlementaires disciplinés. L'explication fournie par M.Nouasri a trait à «la peur que ressent Ouyahia devant de futurs parlementaires totalisant cinq années d'expérience et donc moins faciles à manipuler que des députés novices». On nous révèle, à ce sujet, que Ouyahia a toujours exercé un étroit contrôle sur le groupe parlementaire du RND, et qu'il se trouve donc derrière tous les votes de celui-ci. «Cette révélation, quoique la discipline partisane y soit pour quelque chose, explique, nous dit-on, les raisons qui ont motivé la mise à l'écart de députés aux compétences avérées, mais qui, pour respecter leur mandat, avaient souvent dû accepter des conflits frontaux avec leur patron, Ahmed Ouyahia». Ce dernier, nous apprend Aïssa Nouasri, fait face à une fronde jamais égalée depuis toujours. Car, nous explique-t-il, même les élus locaux ont compris qu'ils vont subir le même sort une fois passé le cap des législatives. Déjà, des wilayas entières, comme Batna, El-Tarf et Sétif ont quitté le parti avec armes et bagages et ont commencé à activer, en grande majorité, en faveur du FLN. Pour les animateurs du comité de sauvegarde du RND, «l'hypocrisie de Ouyahia est sans bornes. Il est même passé maître dans l'art de tisser les mensonges». «Ouyahia n'a jamais rien fait pour venir en aide aux élus locaux mis au banc des accusés sur des bases particulièrement branlantes comme cela avait été le cas lors de la chasse aux sorcières menée par Ahmed Ouyahia contre les cadres et les hautes compétences algériennes.» Cela avant de souligner, à l'aide d'un nombre effrayant d'exemples concrets, que les critères mis en place par le conseil national en vue de désigner les candidats du RND n'ont pas été respectés. «A Blida, les trois premières têtes de liste ont toutes des problèmes avec la justice. A Souk-Ahras, un chauffeur de taxi est appelé à défendre l'image du parti. Des gens ont été inclus dans le parti une semaine ou deux avant la date limite du dépôt des listes afin de pouvoir y figurer alors que des membres fondateurs en ont été exclus. Un grand nombre de candidats a fourni un faux niveau d'instruction. La commission de sauvegarde du RND continue de recenser ces véritables cas de faux et usage de faux». Et de conclure que «Ouyahia lui-même est loin d'être représentatif au niveau de sa région, et de la base militante du parti». Ces raisons, livrées de manière succincte, expliquent pourquoi ce comité est si sûr de triompher et de dégommer Ahmed Ouyahia avant qu'il n'ait fini de liquider le parti. Aïssa Nouasri, qui met en avant les prétentions présidentielles de Ouyahia, souligne avec force que «les décideurs feraient une monumentale erreur en jouant la carte de l'homme le plus impopulaire de l'Algérie. Une pareille éventualité risque même de provoquer la guerre civile dans notre pays». Ce comité, qui espère arriver à ses fins bien avant les élections locales, sans doute prévues pour le mois de septembre prochain, compte sur la très probable défaite du parti lors de ces législatives, avec moins de cinquante sièges, pour lui porter l'estocade finale et remettre sur les rails le parti.