La présence de petits partis noiera les voix contestataires des candidats qui pèsent sur l'échiquier politique. Le président, emboîtant le pas à l'emballement de la classe politique, a procédé hier à trois annonces importantes. La première a concerné la convocation du corps électoral, ce qui fait que le premier tour du scrutin aura immanquablement lieu le jeudi 8 avril prochain. Le second a trait au retrait des formulaires de candidature de Bouteflika de la part d'un représentant dont le nom n'a pas été révélé. Sur le plan juridique, donc Bouteflika est officiellement candidat puisque, avant de pouvoir délivrer ce genre de document, il faut que le représentant soit dûment muni d'une déclaration de candidature signée par le prétendant, comme le stipule la loi organique portant régime électoral. Mais l'annonce la plus importante reste sans nul conteste la mise en place le même jour, par un second décret présidentiel de la commission politique nationale de surveillance de l'élection présidentielle (Cpnsep). Celle-ci, précise un communiqué, sera chargée de «superviser l'ensemble du processus électoral». Il est également indiqué que «la commission est composée des représentants des partis politiques agréés et de ceux des candidats qui figureront sur la liste officielle arrêtée par le conseil constitutionnel». Elle aura pour coordinateur, et non pas président, Saïd Bouchaïr, lui-même ancien responsable du conseil constitutionnel au moment du déroulement de la présidentielle d'avril 1999. Telle que conçue, et n'en déplaise aux instructions données en parallèle par le chef de l'Etat en vue de garantir un scrutin le plus régulier possible, l'opposition politique s'est montrée pour le moins déçue par les termes de cette annonce. Les membres du groupe des onze que nous avons pu joindre hier nous ont indiqué que la prochaine rencontre prévue mercredi à la permanence de Taleb, auront forcément à se pencher sur la question. Mais d'ici à là, une réunion extraordinaire a été convoquée pour aujourd'hui à la permanence de Benyellès. C'est ce que nous avons pu apprendre en exclusivité hier auprès de nos sources. L'ordre du jour portera exclusivement sur ce remue-ménage électoral. Une déclaration «musclée» en est forcément attendue. Pour lors, s'indignent nos sources, force est de constater «un verrouillage sans précédent du champ politique». Pour eux, il ne s'agit rien moins que d'une «reconduction du dispositif de fraude qui avait prévalu en 1999». Et de rappeler la présence de dizaines de partis qui ne représentent qu'eux-mêmes et qui parasitent le débat au sein de cette commission, prenant toujours fait et cause en faveur du candidat du pouvoir dans les décisions qui sont systématiquement prises à la majorité absolue. C'est à cause de cela que l'ancien candidat Mouloud Hamrouche avait refusé, l'estimant vain, le fait de se faire représenter au sein de cette commission en 1999 que présidait l'actuel responsable du conseil constitutionnel, Mohamed Béjaoui. Il est également rappelé les contradictions dans lesquelles le président tombe lui-même, puisqu'il avait pour projet de dissoudre l'ensemble des partis politiques qui n'auraient pas obtenu au moins 5 % de représentativité lors des dernières législatives. Le projet semble avoir été abandonné à cause du boycott qu'avaient décrété deux grands partis comme le FFS et le RCD. Une aubaine en somme pour le président et ses hommes qui peuvent, de nouveau, faire appel à des partis qui ne reprennent vie que le temps d'une élection, histoire de siéger dans ce genre de commission, suivre la voie de son maître du moment et, comme de juste, toucher de sonnantes et trébuchantes dividendes. Nos sources ne laissent pas de préciser que cette nouvelle sortie confirme l'ensemble de leurs soupçons, initialement formulés dans les déclarations rendues publiques par le groupe, concernant les velléités de fraude de la part du pouvoir exécutif contrôlé par Bouteflika et ses plus proches collaborateurs. En témoignent, comme tentent de le prouver les commissions d'enquête mises en place à cet effet, l'utilisation des deniers publics utilisés à profusion par le président dans le cadre d'une tournée électorale, qu'il a commencée bien avant l'heure. C'est le mouvement Islah qui se trouve derrière cette initiative. Son candidat, qui adhère aux grandes lignes développées par le groupe des onze, refuse d'en faire partie uniquement à cause de son actuelle composante humaine. Une composante qui risque de connaître des changements incessamment partant du constat que l'Ugel, connue pour être proche du MSP, vient d'annoncer son soutien à un second mandat de Bouteflika et que le parti de Bouguerra Soltani doit en principe arrêter demain sa position définitive vis-à-vis du scrutin présidentiel. Le FLN, pour sa part, dénonce la façon «unilatérale» avec laquelle s'est conduit le président pour installer cette commission. Pour ce parti, «un tel agissement constitue un indice supplémentaire de l'intention du président-candidat d'opérer une véritable OPA sur la volonté populaire d'autant que cette décision intervient dans un contexte marqué par une instrumentalisation sans précédent, à des fins électoralistes, de l'administration, des médias et des deniers publics». Le PT, qui se garde de porter des jugements hâtifs, déclare vouloir «attendre l'installation officielle de cette commission pour proposer les amendements nécessaires». Louisa Hanoune, lorsqu'elle avait été reçue par le président, avait, elle aussi, souhaité que seul les représentants des candidats soient présents au sein de cette commission. Le PT, de même que le groupe des onze, s'accordent également sur la nécessité d'accorder de larges prérogatives à cette commission. Or, le décret présidentiel demeure évasif sur la question, se contentant de dire qu'elle a pour vague tâche de «superviser l'ensemble du processus électoral». Une manière élégante et sûre, peut-être, pour cet ancien diplomate qu'est Bouteflika de faire marche arrière dans le cas où la pression sur lui de la part de l'opposition politique se ferait trop pressante, et où une jonction tactique devrait se cristalliser entre le groupe de onze et d'autres partis politiques.