Chakib Khelil est devenu une grande «vedette» d'un feuilleton à l'américaine Les scandales de corruption qui éclatent en feux d'artifice débordent ainsi le quotidien pour illuminer le ciel virtuel des réseaux sociaux. Internet et les réseaux sociaux sont les terrains d'expression des jeunes. C'est même un baromètre pour connaître leurs avis sur l'actualité nationale, qu'il s'agisse notamment de corruption, de la nouvelle Constitution et de l'élection présidentielle. On a fait un petit tour virtuel sur le Net pour prendre la température. C'est la corruption qui est le sujet le plus évoqué par les internautes algériens. Il occupe même une place de choix aux cotés des demi-finales de la Ligue des champions d'Europe et celles de la finale de la Coupe d'Algérie de football. Un phénomène rare dans la rue algérienne. Le sujet est à la fois grave et passionnant. L'affaire Sonatrach, Khalifa et les autres scandales financiers ont excité l'imagination des internautes. Comme cette caricature d'une maman inquiète pour son fils qui venait d'avaler une pièce de monnaie: elle l'emmène chez le médecin qui la rassure: «Nous vous inquiétez pas madame ce n'est qu'une pièce de monnaie, Chakib Khelil en a avalé des milliards, il est toujours en vie...». Ou encore ce nouveau mot arabe inventé par les internautes: «Chakaba» qui veut désormais dire «a dilapidé» en référence au prénom de l'ex ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil. Dame justice montre-toi! Les internautes ont aussi «photoshopé» la couverture d'un livre en y mettant la photo de Chakib Khelil. Les internautes le pressentent comme l'«exégète» de Chakib Khelil. Intitulé, «le chemin et les moyens solides pour piller la caisse de l'Etat». Ce livre imaginaire ne manque pas d'humour. Il est pour les internautes «le couronnement de toute une carrière au service du pillage de l'Algérie». Chakib Khelil est donc devenu l'ennemi «numéro 1» des internautes qui le voient comme un véritable prédateur de la République. «Impuissants, on utilise l'humour et la dérision pour exprimer notre colère», explique Zakari-le boucher, un internaute qui venait de publier une fausse photo de Chakib Khelil et Abdelmoumen Khalifa qui parlaient comment ils ont réussi à s'échapper de l'Algérie, malgré un «dispositif sécuritaire renforcé». En parlant de la «fuite» de ces deux hommes, la blogosphére algérienne a trouvé un nouveau slogan pour l'Algérie. «Bled Mouh, asrake ou rouhe» (le pays de Mouh, vole et sauve-toi). Mais la colère des internautes et leur dépit n'est pas dirigé seulement contre ceux qui ont «ruiné» le pays, mais également contre ceux qui ont laissé faire cela. La justice est particulièrement montrée du doigt. Les internautes le disent clairement. «On n'a pas confiance en notre justice.» En ces temps de pots-de-vin généralisés, de détournements, de trafics et autres dépassements financiers, la Toile algérienne est en effervescence. Les internautes commentent, condamnent. Ce que résume très bien Katia sur son mur Facebook. «Madame la Justice algérienne trahie! Où sont les juges algériens? Les avocats algériens? Les hommes de loi? Comment peuvent-ils continuer à travailler dans une institution aussi stérile et corrompue, qui ne sert à rien d'autre qu'à camoufler les méfaits d'une mafia? Où sont ces hommes? Pourquoi sont-ils si silencieux? Sont-ils tous pourris?». Ces interrogations de cette très active internaute fait de suite naître un large débat. «A t-on réellement une justice?», lui répond un de ces amis facebook. Un autre rétorque: «Qui va juger qui? Ils sont tous pareils.» Et les commentaires s'ensuivent pour qu'à la fin, le sentiment général est une perte de confiance des internautes en leurs dirigeants qu'ils mettent tous dans le panier des «voleurs»! Pour eux d'ailleurs, la corruption a même atteint le secteur religieux. Il prennent pour exemple l'affaire du directeur des affaires religieuses d'Alger, qui a été surpris dimanche dernier, en flagrant délit de corruption! Ce responsable a été arrêté lorsqu'il s'apprêtait à recevoir une enveloppe contenant près de 825 euros. Les commentaires à ce sujet n'ont pas manqué d'humour. Une photo montrant un homme faire la prière sur un tapis qui n'est autre qu'un billet de mille dinars, a fait le tour de la Toile. «825 euros! Et les milliards de Khelil?» D'autres internautes par contre, dénoncent cette arrestation qu'ils pensent n'être qu'un leurre pour faire oublier les grosses affaires. «Chakib Khelil et consorts ont volé des milliards et sont toujours en liberté. Alors que pour 825 euros on a ameuté la presse et on a fait toute une histoire. C'est ridicule», écrit Aminovitche sur sa page Facebook. Les scandales de corruption qui éclatent en feux d'artifice débordent ainsi sur le quotidien des Algériens pour atterrir sur le ciel virtuel des réseaux sociaux. Ainsi éclairée, la Toile se saisit du «dossier de la corruption». Du coup, le verrou de la censure saute. La suite, il faudra repasser plus tard! Il faudra revenir aussi pour voir les internautes algériens parler de la nouvelle Constitution et de l'élection présidentielle. Peu d'internautes évoquent ces sujets pourtant vitaux pour l'avenir de leur pays. Mis a part quelques-uns plus au moins politisés qui effleurent le sujet et pestent contre le retard pris dans l'élaboration de la nouvelle Constitution. Certains, ne savent même pas que l'Algérie doit préparer une nouvelle Constitution ou que l'élection présidentielle est dans un an! On a beau chercher. On ne trouve donc ni débats ni propositions concernant la nouvelle Constitution. Malgré le fait que les Algériens commentent en décomplexés sur la Toile où le terrain est déminé en termes de restriction de liberté d'expression, les sujets de fond ne font pas «fortune». Voilà donc que la Toile nous montre la réalité d'une jeunesse perdue entre les affaires de corruption et une politique qui lui échappe...