L'Association nationale de lutte contre la corruption (ANLC) estime que «la réaction du chef de l'Etat par rapport à l'affaire de corruption Sonatrach 2, rendue publique par des médias italiens, répond à des impératifs externes». Les responsables de l'ANLC, qui s'exprimaient hier lors d'une conférence de presse au siège national de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), pensent que le chef de l'Etat devait réagir dans l'immédiat. L'affaire Sonatrach 2 – qui met en cause la première entreprise africaine ainsi que l'ENI et sa filiale Saipem, sans oublier l'étendue des pots-de-vin incriminant SNC Lavalin – est, pour l'ANLC, un élément de la corruption qui gangrène l'ensemble des institutions en Algérie. Selon Mustapha Atoui, président de l'ANLC, «cette affaire ne doit pas nous faire oublier les multiples dossiers de corruption en suspens dans les tribunaux ou qui n'ont pas encore été divulgués». A titre d'exemple, la corruption qui a entaché le dossier des logements FNPOS qui, malgré le suivi de la presse nationale, est depuis deux ans bloqué à tous les niveaux. En outre, l'affaire de la banque de Koléa, entrant dans le cadre du scandale Khalifa, n'a jusqu'à présent pas révélé tous ses secrets. Pour M. Atoui, «le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, devrait réagir immédiatement en ordonnant au ministre de la Justice d'ouvrir une enquête, après sollicitation du procureur général de la République». De son côté, Halim Feddal, secrétaire adjoint de l'ANLC, rappelle que «l'indépendance de la justice est indispensable pour lutter contre la corruption». «Il faut arrêter la politique du téléphone au sein de l'appareil judiciaire», tonne-t-il. Pour lui, «Sonatrach est un enjeu politique. Dans ce sillage, le chef de l'Etat doit démontrer une volonté pour lutter contre la corruption. La Cour des comptes doit être renforcée en matériels et en ressources humaines, notamment en magistrats financiers». Et de poursuivre : «Les citoyens doivent se poser des questions sur la gestion des affaires de l'Etat. Il y a par exemple un fonds ‘divers' doté de 3 milliards de dollars et le ministère des Finances refuse d'apporter la moindre explication quant à l'utilisation de ces sommes d'argent.» Feddal se désole de «l'impunité dont jouissent les auteurs de dilapidations. Toutes les affaires de corruption citées dans la presse nationale ne sont pas sanctionnées pas des enquêtes». Moumen Khleil, secrétaire général de l'ANLC, compare, pour sa part, l'affaire Sonatrach au scandale Khalifa : «Les deux personnes souvent évoquées (Mohamed Bedjaoui et Chakib Khelil) ne sont pas inquiétées et ne se sont pas exprimées.» «C'est un mépris total envers le peuple algérien», juge-t-il. L'ANLC appelle sur un autre point les journalistes à revendiquer la constitutionnalisation du droit à l'information et du libre accès aux sources. L'objectif étant de faire participer les médias à la lutte contre la corruption en toute liberté et sans entraves. Enfin, l'Association dénonce une nouvelle fois le refus d'agrément signifié par le ministère de l'Intérieur. «Nous avons respecté toutes les procédures. Nous avons saisi le président de la République, le Premier ministère et le DRS pour avoir des explications, mais aucune administration n'a répondu, pourtant la loi exige le contraire.» Ce refus traduit, pour l'ANLC, «la violation de tous les textes de loi puisque la liberté d'association est garantie par la Constitution».