«La corruption a gangrené tout le pays» Pour l'Anlc, ce scandale est une affaire «Khalifa-bis» qui n'aboutira à rien. «Elle traduit juste les conflits qui opposent les différents clans du pouvoir.» «On est surpris qu'on ne parle que de l'affaire Sonatrach, comme si c'était la seule affaire de corruption en Algérie». C'est en ces termes que le président de l'Association nationale de lutte contre la corruption (Anlc), Mustapha Atoui a entamé, hier sa conférence de presse animée au siège de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Ladh) à Didouche-Mourad à Alger. Pour M.Atoui, l'affaire Sonatrach n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. «C'est l'arbre qui cache la forêt», a-t-il dénoncé. «Le fait que Chakib Khelil soit jugé mettra-t-il un terme à la corruption dans le pays?», s'interroge t-il. «La corruption a gangrené tout le pays», a t-il assuré en citant comme exemple les grands projets du pays qui, selon lui, ont été «surfacturés». Par ailleurs, l'Anlc appréhende le fait que l'affaire Sonatrach n'aille pas jusqu'au bout et que les coupables ne soient pas jugés. Ce sera «une affaire Khalifa- bis», ajoute pour sa part Abdelmoumen Khelil, secrétaire général de l'Anlc qui a insisté sur les insuffisances des textes législatifs qui régissent la lutte contre la corruption en Algérie. Ce qui est une évidence pour le secrétaire général adjoint de l'Anlc Feddal Halim. «Il n y'aura pas de jugement. C'est une guerre des clans qui a des fins politiques», a-t-il affirmé. M Feddal a également tenu à dénoncer le fait que les autorités n'ont réagi à cette affaire qu'après qu'elle ait pris une tournure internationale. «La presse algérienne a parlé à plusieurs reprises de cette affaire. En vain. On a fermé le dossier. Il aura fallu que la presse italienne évoque l'affaire pour que notre justice bouge», lance-t-il. «Les autorités ont l'air de nous dire: faites ce que vous voulez, dénoncez ce que vous voulez et nous, on fait ce qu'on veut», juge t-il. «C'est un mépris pour les citoyens», ajoute t-il. L'évocation du mépris des autorités a été l'occasion pour le secrétaire général Abdelmoumen Khelil, de reprendre la parole et d'évoquer le mépris des mis en cause dans l'affaire Sonatrach qui n'ont encore pas réagi. «Le silence mystérieux de Chakib Khelil et de Farid Bedjaoui, accusés et impliqués dans les scandales de pots-de-vin versés par la compagnie italienne Saipem à des dirigeants algériens, est une expression du mépris ressenti par ces personnalités envers les Algériens», atteste t-il. «Il y a la présomption d'innocence. Mais, ni eux, ni leurs avocats ne se sont exprimés, ce qui témoigne du manque de considération qu'ils ont pour nous», a t-il poursuivi. Enfin, le président de l'Anlc Mustapha Atoui est revenu à la charge pour dénoncer le fait que la justice algérienne ne soit pas indépendante. «La politique des téléphones pour presser les magistrats doit cesser», a t-il réclamé. «Il faut que la justice soit plus indépendante et qu'elle s'autosaisisse dès qu'il y a une suspicion d'affaire de corruption», insiste t-il en réclamant aussi une loi qui permette aux citoyens de se constituer partie civile. «Il est anormal qu'en Algérie, les citoyens n'aient pas la possibilité de se constituer partie civile dans les affaires de corruption traitées par la justice. La loi algérienne interdit cela et empêche ainsi les citoyens de demander des comptes à ceux et à celles qui volent leur argent», a conclu le président de l'Association nationale de lutte contre la corruption. L'accès à l'information, un droit sacré «Le droit d'accès à l'information et l'indépendance de la justice sont les seuls moyens pour lutter efficacement contre la corruption», a estimé le président de l'Association nationale de lutte contre la corruption Mustapha Atoui. Il réclame ainsi que dans la future Constitution, ce droit soit légiféré et inscrit. «Chaque citoyen doit avoir la possibilité de consulter les informations qu'il veut dans les institutions qu'il veut, mis à part celles touchant à la sécurité nationale», a t-il expliqué. Il a aussi annoncé la possibilité de lancement d'une campagne pour la réforme des lois algériennes. De son côté, le secrétaire général adjoint de l'association, Feddal Halim a lancé un appel aux citoyens pour qu'ils dénoncent tout acte de corruption qu'il rencontre. «On envisage même de créer un site Internet pour permettre aux citoyens de dénoncer anonymement sur la Toile des cas de corruption», a-t-il fait savoir. Les conférenciers ont également dénoncé le fait que le ministère de l'Intérieur refuse toujours de les agréer. «On a soumis des recours aux autorités concernées, si on n'a pas de réponses dans les délais légaux, on se retournera vers les institutions internationales», ont-ils averti.