La sérénité affichée il y a quelques jours semble céder la place à une réelle inquiétude. Les travaux qui vont reprendre aujourd'hui à 18 heures constituent l'ultime phase du dialogue. Les interlocuteurs d'Ouyahia rencontrés durant les funérailles du parent de Benouaret, cachent mal leur appréhension. La sérénité affichée il y a quelques jours semble céder la place à une réelle inquiétude. L'heure est au verdict. Seules la rigueur et la force d'arguments ont leur place aujourd'hui. Les deux parties ont la lourde responsabilité de préserver les acquis d'un mois de discussions. Ou ils feront un grand bond vers la deuxième République ou ils plongeront la Kabylie dans l'inconnu. En effet, l'hiver 2004 sera marqué par le dégel de la glace entre le mouvement citoyen et le pouvoir central. Ainsi, dès la première semaine de janvier, les délégués des archs et Ouyahia se sont rencontrés au palais du gouvernement pour passer au crible le premier axe du dialogue, à savoir les six incidences des événements du Printemps noir. Le 6 janvier, le chef du gouvernement s'engage, dans un protocole d'accord, à satisfaire les cinq premiers préalables dont la levée des poursuites judiciaires contre les délégués, la réintégration des travailleurs licenciés à cause des événements ainsi que le contentieux Sonelgaz. Dans le même document, Ouyahia s'est déclaré disponible à prendre en charge la 6e incidence durant la seconde phase du dialogue qui sera consacrée à la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur. Deux semaines plus tard, l'interwilayas mandate 24 délégués pour reprendre langue avec le représentant de l'Etat, appelé à résoudre la question des indus élus avant toute discussion sur le document d'El-Kseur. Les deux parties qui se sont penchées du 20 au 22 janvier sur la 6e incidence sont parvenues à signer un accord additionnel consacrant officiellement la révocation des élus issus des législatives et des locales de 2002 dans les localités où il y avait rejet total ou partiel de ces élections. Quelques heures plus tard, le dialogue à proprement parler commence. Il s'agit dans cette étape décisive non pas de négocier le contenu de la plate-forme d'El-Kseur, mais de trouver les modalités de sa mise en oeuvre. Une semaine de travaux d'arrache-pied sans que la moindre information ne puisse transpercer le mur hermétique du huis clos. Certains membres des 24 ont révélé que les discussions portaient sur le premier chapitre relatif à la réparation morale et matérielle des victimes du Printemps noir. On apprend même que l'Etat a reconnu officiellement ses responsabilités dans ces événements sans pour autant qu'un document ne soit signé par Ouyahia dans ce sens. Le 27 janvier, l'après-midi, c'est le coup de théâtre au palais du gouvernement. Les 24 claquent la porte à cause du 8e point qui a bloqué les discussions. Pour officialiser tamazight, Ouyahia propose la voie référendaire en expliquant que cette question est du ressort du peuple algérien souverain. En urgence, un conclave a été convoqué à Tizi Rached pour réitérer le rejet des archs à toute forme de référendum ou condition en guise de solution. Les arguments des délégués sont légion et pertinents: «La dimension amazighe est une attribution du peuple algérien», «nous sommes contre la division du peuple», «aucun pays au monde n'a soumis sa langue au vote». Le lendemain de l'Aïd El-Adha, les 24 sont revenus à Alger pour transmettre le niet de l'interwilayas. La visite officielle du président chinois a fait reporter la rencontre du mardi à jeudi. 13 heures de débats sont consacrées exclusivement à l'officialisation de tamazight en faisant abstraction, bien entendu, de la proposition d'Ouyahia. Avant-hier à 16h 30, sans parvenir à un accord sur la question, les deux parties ont décidé, d'un commun accord, de suspendre le dialogue pour permettre aux délégués d'assister à l'enterrement du parent de Benouaret, délégué de Béjaïa. Aujourd'hui, le sort de tamazight sera scellé et l'avenir de la Kabylie dessiné.