Trois poètes français et trois poètes d'Alger se sont rencontrés pour une belle aventure humaine... Depuis quatre ans, le centre international de poésie de Marseille organise une série d'échanges et de rencontres culturelles de poésie contemporaine sous la forme d'un atelier de traduction collective. Cet atelier de traduction donne lieu à une publication bilingue qui sort dans une collection intitulée Import/Export. Aussi, trois poètes français et trois poètes d'un pays se rencontrent d'une part à Marseille et, d'autre part, dans une ville du pays concerné afin de traduire et d'être traduit collectivement. Après le Liban, la Syrie et le Maroc, c'est à Alger que cette expérience poétique s'est renouvelée. Un croisement d'écriture qui a rassemblé les poètes Jean-Luc Parant, Catherine Weinzaepflen et Fabienne Yvert de Marseille et Achour Fenni, Boubakeur Zemmal et Sakta Seif El Moulouk d'Algérie. Un travail de traduction a eu lieu d'abord à Marseille, au mois de novembre où Boubakeur Zemmal a été invité à un atelier d'écriture suivi d'un autre atelier de traduction qui a eu lieu récemment à Alger où les poètes français se sont fait aider par un «technicien de la langue», en l'occurrence le Marocain Mohamed Haraga qui traduit littéralement la poésie des poètes arabes. Une opération qui, dans un second temps, consiste pour les poètes français à remettre en forme le texte dans la langue de l'autre. Cette précieuse aide de ce «technicien de la langue» est valable aussi pour le 1er cas. A Alger donc, ce sont les poètes arabes qui ont travaillé sur des textes en français et les ont traduits. Ce beau travail de groupe a donné lieu enfin à une représentation poétique, vendredi dernier. Le restaurant Nadi Esharq (Saïd Hamdine), a abrité cette rencontre poétique née du croisement littéraire des poètes d'ici et de France. Une lecture bilingue a vu se mêler en sensibilité et en mots Achour Fenni avec Catherine Weizaepflen, Jean-Luc Parant avec Boubakeur Zemmal et Fabienne Yvert avec Sakta Seif El Moulouk. Ces lectures se déroulaient en 2 temps. Le 1er consistait à lire les textes traduits du français vers l'arabe et le second, vice-versa. Des poèmes ont pour certains, attiré l'attention plus que d'autres, ému plus que d'autres, touché ou interpellé plus que d'autres. On retiendra peut-être trois en particulier: d'abord celui de Jean-Luc Parant qui conçoit une poésie philosophique sur le monde qui nous entoure. Sculpteur aussi, il est. Sa vision en «boule» de l'univers et sa réflexion existentielle sur la raison d'être des animaux et de l'homme méritaient assurément des applaudissements. Simple, l'écriture de Fabienne Yvert qui s'intéresse au quotidien dans ses textes, renvoie plutôt à l'intime. Parfois drôle et souvent si émouvante dans sa sincérité, elle avait l'auditoire à ses pieds. Il s'agit d'une trilogie familiale écrite sur le vif, il y a une vingtaine d'années, quand les parents de la poétesse étaient sur le point de se séparer. «Papa part, mémé meurt» adopte différents niveaux de langage. Ceci a été l'une des difficultés qu'on eues à rencontrer les traducteurs. La poésie du poète annabi Sakta Seif El Moulouk personnelle, concise et singulière a dû faire méditer plus d'un dans l'assistance. Fidèle ou traître, qu'importe! La traduction est la même chez tout le monde. Pourvu qu'on ressente les choses. Le résultat est le même : un texte profond, lyrique et pénétrant. Etrangère à l'autre, la langue ici a permis de se rapprocher des êtres liés par le seul amour de la poésie. Et ça, c'est le plus important. L'association Chrysalide et le centre culturel français ont proposé, en prélude après-midi, une quaâda animée au rythme de la musique avec le groupe Andalousia, avant de nous laisser immerger dans la beauté sans frontière du verbe.