Après plusieurs correspondances adressées aux autorités financières, la CAB renvoie l'affaire devant la justice. Le conflit opposant la Compagnie algérienne des banques (CAB) et Al Rayan Insurance, filiale de la Banque Qatarie Al Rayan prend de l'ampleur. Les responsables de la compagnie privée algérienne crient au complot estimant que les autorités algériennes souhaitent conduire cet établissement à la faillite, «en refusant de lui accorder ses droits les plus légitimes et en ménageant de surcroît des institutions financières étrangères». Le conflit qui remonte au mois de septembre a pour origine les onze traites, d'un montant total de 550 millions de DA, dûment avalisées par Al Rayan Insurance au profit de deux sociétés clientes de la compagnie algérienne qui sont Mobiliphone et Continental Trader. Les traites en question n'ont pas été honorées à l'échéance par les émetteurs. Selon le premier responsable de la CAB, M.Omar Dechemi «nous les avons soumises aux services de la Rayan Assurance pour règlement, mais cette institution a refusé d'honorer ses engagements». La compagnie Qatarie a même attaqué en justice son directeur général en fuite, devant la section commerciale du tribunal de Bir Mourad Rais afin de lui faire annuler tous les engagements contractés envers la banque «au prétexte qu'il avait outrepassé ses prérogatives, en signant des traites d'un montant aussi important». «Cela relève de la mise en scène judiciaire» estime notre interlocuteur. «Il est évident que ce procédé constitue une grave dérive et un dangereux précédent qui va permettre à chaque organisme financier de désavouer son directeur général pour ses engagements envers les tiers par le biais d'une action en justice où les rôles sont répartis à l'avance», ajoute le responsable de la CAB. L'autre argument invoqué par les responsables de la Rayan Insurance, c'est «les traites de complaisance» qu'aurait avalisées son ancien directeur. «Un argument extrêmement grave qui ne dégage pas pour autant la responsabilité de cette boîte». Cette compagnie dénonce la règle de deux poids deux mesures appliquée par les autorités concernées. «On ne nous aurait pas raté si nous étions dans la position de la Rayan Insurance» estime-t-il et d'ajouter: «Le Qatar ne permettrait jamais ce genre de pratique contre ses compagnies». Institutions financières: les grandes muettes Après plusieurs correspondances adressées au ministère des Finances, la direction générale du Trésor et des assurances, le gouverneur de la Banque d'Algérie, lesquelles ont signifié une «fin de non-recevoir», la CAB a envoyé une correspondance aux différentes banques de la place pour s'opposer «formellement» au fait qu'elles se dessaisissent en d'autres mains que les siennes, de toute somme, deniers, titres ou valeur quelconques qu'elles détiendraient ou qu'elles pourraient lui devoir à quelque titre que ce soit. En somme, la CAB a introduit, en vertu des dispositions prévues par la loi, dans le code de la monnaie et du crédit, une demande d'exécution d'une saisie d'arrêt sur les comptes de la Rayan Insurance, une demande entérinée, fin décembre par le tribunal de Bir Mourad Rais qui a ordonné la saisie et le paiement à concurrence du montant dû à la CA Banque par la Rayan Assurance sur un des comptes de cette compagnie ouvert chez la Rayan Bank. Une procédure qui s'est étendue à l'ensemble des comptes et avoirs de la Rayan Assurances sur le territoire national. Selon M.Omar Dechemi, l'entreprise mère (Rayan Banque) et contrairement aux autres établissements financiers a refusé catégoriquement d'exécuter cette saisie, ce qui constitue «un manquement grave et sans précédent aux règles déontologiques et en exécution de l'article sur la monnaie et crédit». Parmi les rares mesures prises, l'on citera la mise en place d'une commission d'enquête par le gouverneur de la Banque Algérie, il y a aussi cette instruction du ministère des Finances datant du 23 novembre interdisant aux sociétés d'assurances d'avaliser des traites commerciales. «Une mesure qui constitue une transgression au code sur le marché et crédit». Néanmoins «aucune sanction n'a été appliquée contre la Rayan» pour l'obliger à se plier à la décision de justice. «Ces agissements mettent en péril non seulement l'équilibre de trésorerie de la CA Banque mais aussi son existence compte tenu des montants élevés que la Rayan refuse de nous payer 550 millions de DA qui est le capital d'une banque.» «Ce sont aussi des investissements en moins» nous déclare un conseiller de la banque, ce dernier rejette toute comparaison entre les séries de mesures prises contre certaines banques privées «El Khalifa Banque, la Bcia» qualifiées par certains de mesures correctionnelles contre les banques privées et cette affaire. «Pour les exemples que vous avez cités, il y a eu dépassements flagrants. En ce qui nous concerne nous exigeons l'application pure et simple des lois de la République», atteste M.Omar Dechemi. Les arguments d'Al Rayan Insurance Contacté par nos soins, une source proche de la Rayan Insurance présente le problème sous un angle différent. En effet, selon notre interlocuteur, la CA Banque n'a jamais voulu présenter les originaux des onze traites en question. «Une démarche non conforme à la loi». L'autre argument évoqué a trait à la somme exigée par la CAB, un chiffre qui «dépasse de loin» le montant dû à la boîte d'assurances. Explication: selon notre source, la CAB a signé une mainlevée sur trois traites d'un montant qui s'élève à 180 milliards de centimes amenant la valeur des traites avalisées à 370 millions de DA et loin des 550 exigés par la CAB. Des informations formellement démenties par M.Omar Dechemi. Nous avons tenté d'avoir la version du ministère des Finances. L'un des conseillers de M. Benachenhou nous a précisé que cette affaire ne concernait pas son département. «Les activités des banques privées sont régies par un code sur le marché et crédit». Tout en affirmant que le ministère a reçu la lettre de la CAB, notre interlocuteur précise que «ce genre de doléances afflue quotidiennement au ministère venant de particuliers ou de sociétés. Ce n'est pas pour autant que nous sommes obligés d'intervenir dans chaque cas ». Une affaire à suivre..