Aujourd'hui, il y a une nouvelle génération de cinéastes chinois C'est la troisième participation à Cannes pour le réalisateur Jia Zhangke. C'est connu, Cannes est le carrefour du cinéma du monde et s'il y a un cinéma qui s'est imposé depuis quelques années, c'est bien le cinéma chinois. D'abord, par ses réalisateurs artistes et techniciens, Zhang Yimou, Chen Kaige ou encore Ang Lee qui a explosé avec son film Tigre et dragon qui consacre les films d'arts martiaux chinois (wuxiapian) et qui est aujourd'hui membre du jury au côté de Steven Spielberg. Aujourd'hui, il y a une nouvelle génération de cinéastes chinois, plus réalistes, plus écorchés vifs et surtout plus portés sur les problèmes de la société chinoise que la culture des arts martiaux. C'est le cas du grand réalisateur chinois, Jia Zhangke, qui est venu présenter à Cannes son dernier opus A Touch of sin. Un film qui vous prend à la gorge dès la première séquence. Une séquence qui a été choisie d'ailleurs parmi les meilleures images des films sélectionnés lors de l'ouverture du Festival. C'est la troisième participation en compétition officielle pour le réalisateur chinois Jia Zhang Ke, après Plaisirs inconnus et 24 City, Lion d'or à Venise en 2006. A Touch of sin c'est quatre vies parallèles de la Chine d'aujourd'hui. Dahai, mineur exacerbé par la corruption des dirigeants de son village, Saner, un travailleur migrant qui découvre les possibilités offertes par son arme, Xiaoyu, hôtesse d'accueil dans un sauna qui est poussée à bout par le harcèlement d'un riche client et Xiaohui un jeune Chinois qui passe d'un boulot à un autre dans des conditions les plus dégradantes. Quatre personnages, quatre provinces et un seul et même reflet de la Chine contemporaine gangrenée, par la violence et la corruption. Dans le premier plan magnifique du film, Dahai, au bord d'une route, jonglait avec une boule rouge. Le champ s'élargit, révélant un camion de tomates renversé et son chargement éparpillé. Sur la route, passe un homme en moto, qu'on croit sorti du film de Sergio Leone Il était une fois la révolution, il est accosté par trois bandits dans un virage. Très vite il s'empare de son arme et les élimine un par un avec la plus grande aisance. Le décor est planté. La salle de la Croisette est remplie et on ne regrette pas d'avoir attendu une heure sous la pluie et deux heures dans une salle obscure pour découvrir la Chine sous ce nouveau visage. Un visage où le communisme rouge n'a pas place et où l'économie sauvage et de l'exploitation de l'homme par l'homme prend toute sa place. Une Chine nouvelle où la prostitution de la femme et des travailleurs pour construire une Chine grandeur nature est devenue plus qu'inévitable. Image étonnante qui n'aurait pas pu être filmée il y a quelques années en Chine, où le réalisateur Jia Zhangke, fait passer sous les lumières, des prostituées numérotées défilant devant les riches clients en uniformes des gardes rouges sommant l'objet de sa consommation de l'appeler «camarade cadre» pour augmenter les recettes. Mais au-delà du thème dur choisi, c'est la qualité très forte et pointue de la mise en scène. Des plans superbement filmés, plaçant la violence d'une manière parfois gratuite. Une violence qui est quelquefois nécessaire pour le réalisateur pour dénoncer un fait établi d'une société séculaire qui vient de se transformer en chantier moderne. Comme cette scène d'un chauffeur qui ne voulait pas payer les frais de passage sur un pont et qui se fait lyncher par des larbins d'un chef corrompu. Même si les quatre histoires du film se passent dans des provinces différentes avec des personnages différents, le réalisateur a su les raccorder par le cordon ombilical de la culture chinoise, le théâtre. Et dans ce film, deux séquences de théâtre de rue traditionnel feront trembler les héros du film. La première, au début et qui reflètera le cas de Dahai, quand, se détournant de la scène, ses camarades le couvrent d'insultes. La seconde, à la fin du film et qui se placera à la justice de la théâtralité de ses magistrats rouges sous les yeux de Xaojiu, la tueuse révoltée du sauna. A Touch of sin est une fresque violente et désabusée sur un pays en pleine mutation. Travailleurs exploités, citoyens poussés à bout, femmes bafouées: tous ces personnages, d'abord impuissants, finiront par se rebeller dans la violence. D'où plusieurs scènes sanglantes, mais non dénuées d'humour, qui font de ce long film (2h13) un polar tout autant qu'un drame qui dénonce avec force les inégalités sociales en Chine. Une image de la Chine tellement négative que certains critiques se demandent comment il a pu éviter la censure.