Plusieurs blessés ont été dénombrés dimanche lors de violents affrontements entre salafistes et forces de sécurité Le parti islamiste au pouvoir en Tunisie a longtemps entretenu des relations ambiguës avec les jihadistes malgré l'essor de ces groupes violents depuis la révolution de janvier 2011. Le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda semblait lever l'ambiguïté en se disant déterminé à lutter contre la mouvance jihadiste désormais qualifiée de «terroriste», tandis que le calme était revenu hier à Tunis après des heurts entre policiers et salafistes. Le Premier ministre Ali Larayedh, en déplacement au Qatar, a indiqué qu'environ 200 personnes avaient été arrêtées. «Nous allons faire face (aux salafistes jihadistes) avec une extrême fermeté, mais dans le cadre de la loi. Nous serons inflexibles», a déclaré M. Larayedh au journal Al-Hayat. Ce cadre d'Ennahda avait aussi tenu dimanche un discours très ferme à l'égard du mouvement salafiste Ansar Ashari'â, partie prenante des heurts de dimanche, dénonçant pour la première fois son implication dans le «terrorisme». Le parti islamiste au pouvoir en Tunisie a longtemps entretenu des relations ambiguës avec les jihadistes malgré l'essor de ces groupes violents depuis la révolution de janvier 2011. Confronté à des bandes armées liées à Al Qaîda à la frontière algérienne et aux menaces de «guerre» formulées la semaine dernière par Ansar Ashari'â, le gouvernement avait déjà réagi en interdisant le congrès dimanche de ce mouvement à Kairouan (centre). Les violents heurts à Tunis ont éclaté lorsque ce groupe a appelé ses partisans à organiser ce rassemblement à la cité Ettadhamen, près de Tunis. Les affrontements de dimanche ont fait, d'après le ministère de l'Intérieur, un mort parmi les manifestants et 18 blessés dont quinze policiers. Selon le mouvement salafiste Ansar Ashariaa et une source policière, une deuxième personne a été tuée. Aucun incident n'a eu lieu hier. Des responsables de l'opposition laïque d'ordinaire très critique d'Ennahda ont salué la fermeté du gouvernement. «Le Parti républicain (PR)salue la décision du ministère de l'Intérieur d'imposer le respect de la loi et de l'Etat», a déclaré Issam Chebbi, numéro 2 du PR, appelant par ailleurs à une «stratégie nationale pour faire face à l'intégrisme et au terrorisme». De leur côté, des analystes soulignent que les propos de M.Larayedh peuvent signifier un tournant. «C'est un changement de discours. Jamais Larayedh n'avait utilisé ce terme pour Ansar (...) réservant le mot de terroriste aux groupes» armés traqués à la frontière ouest de la Tunisie, note Michael Ayari du International Crisis Group à Tunis. Il reste cependant à voir si ces propos seront suivis d'actes, M.Ayari rappelant que les autorités avaient arrêté des dizaines de militants salafistes après l'attaque de l'ambassade américaine en septembre 2012 à Tunis mais que l'écrasante majorité avait été libérée quelques mois plus tard. «On ne peut pas dire encore que la politique a changé, que (les déclarations) marquent un point de non retour et que les militants d'Ansar Ashari'â vont être arrêtés désormais pour leur appartenance à l'organisation, pour leur identité politique», relève-t-il. Néanmoins, dans les rangs des forces de l'ordre, dont les syndicats se plaignaient fin avril et début mai de l'absence de directives claires pour lutter contre les jihadistes, on se satisfait des ordres reçus dimanche. «L'administration a cette fois-ci été claire, et elle nous a fourni les moyens nécessaires», a dit Sami Gnaoui du syndicat de la Garde nationale, l'équivalent de la gendarmerie. Le chef du mouvement, Abou Iyadh, un vétéran d'Al-Qaïda en Afghanistan recherché par la police depuis l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis, n'a pour sa part pas donné de signe de repli. Selon son chef Ansar al Chari'a «ne peut être vaincu» Le chef du mouvement salafiste jihadiste Ansar Ashari'â, Abou Iyadh, a déclaré que ses partisans ne pouvaient être «vaincus» malgré la «persécution» dont ils sont victimes, selon un enregistrement diffusé tard dimanche soir après une journée de heurts à Tunis. Dans cet enregistrement d'environ cinq minutes qui semble avoir été réalisé avant le début des violences, il s'adresse aux participants au congrès du mouvement, interdit par les autorités. «Dieu sait combien j'aurais voulu être avec vous au moment où vous ouvrez une page rayonnante de l'histoire de notre nation. Vous avez montré au monde entier que vos efforts ne peuvent être vaincus malgré la persécution de vos chefs», dit l'homme, en fuite depuis septembre 2012. Cet extrait audio, publié sur la page Facebook d'Ansar Ashari'â, est présenté comme le discours d'Abou Iyadh à l'occasion du congrès qui aurait dû se tenir dimanche mais qui a été interdit par le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda. Les autorités ont estimé que ce rassemblement prévu à Kairouan, 150 km au sud de Tunis, était une «menace» pour le pays. Face au dispositif policier déployé dans cette ville, Ansar Ashariaa a tenté de réunir ses partisans dans la banlieue de Tunis, déclenchant des heurts qui ont fait un mort et 18 blessés. Abou Iyadh, de son vrai nom Saif Allah Bin Hussein, est soupçonné par la police d'être l'organisateur de la manifestation contre un film islamophobe qui a dégénéré en une attaque de l'ambassade américaine en septembre 2012, faisant quatre morts parmi les assaillants. Il a été emprisonné de 2003 à 2011 en Tunisie. Avant son arrestation il était l'un des deux chefs du Groupe combattant tunisien en Afghanistan, cellule d'Al Qaïda.