Un festival qui ressemble à un remake du tournage de Chantons sous la pluie de Stanley Donen, sauf que sur la Croisette, point de Gene Kelly, point de rimes, mais des soupirs, encore plus poussés surtout quand on sort d'un film au niveau, bien au-dessous, de celui de la mer... Mais il y a aussi autre chose qui se pose en une insoluble équation, à chaque fin de festival, c'est celui du timing. En effet, celui de la cérémonie de clôture n'arrange pas du tout les affaires des quotidiens, aux impératifs de bouclage bien connus. Ce ne sont que les télés qui se retrouvent encore une fois, vernies. Alors, autant s'attarder sur l'esprit même de ce festival qui, dans sa 66e édition a, encore une fois, confirmé l'ascendant de plus en plus croissant de l'impact du petit écran sur le grand. Cela ne concerne pas Liberace de Steven Soderbergh, c'est déjà un téléfilm qui va donc se contenter de Cannes et ne pas penser aux Oscars, dont il est automatiquement exclu, étant une «simple» production de la chaîne HBO et non pas d'un studio. Hollywood ayant décidé de décliner l'offre de production qui lui a été faite. Et, après visionnage de ce film, nous pensons que le fond, tel qu'il a été pensé par le réalisateur du «Che», correspond plutôt au formatage télé (version eighties) au souffle un peu court, quand même. Reste que c'est l'occasion ou jamais de consacrer Michael Douglas, l'impayable interprète de ce fol pianiste, Liberace, pour ses groupies... Un regret, pendant qu'on y est, c'est la pâle interprétation de Tahar Rahim qui a été confiné dans le coin le plus «mal éclairé» du film Le Passé d'Asghar Fahradi. Du coup, il rate le halo...Son jeu s'en ressent. Timoré. Mais aurait-on perçu ainsi ce film s'il n'était pas en Compétition? Oui, certainement, mais l'enjeu étant autre, l'approche critique aurait été différente. D'où l'intérêt, quand on est à Cannes de décloisonner ses choix afin de regarder le film, en oubliant, un tant soit peu, les éventuels enjeux. Ainsi, l'on serait même en mesure de se concocter une nouvelle sélection à partir d'un cocktail où l'on trouverait u quart de sélection officielle Un Certain Regard, inclus, un quart de Quinzaine des réalisateurs, un zeste de Semaine de la Critique. Shakez le tout et cela donnerait un «breuvage» pas mauvais du tout. Un constat: la cuvée cannoise, est plus synonyme de joutes interminables et enflammées. Sans doute parce que depuis quelques années, aucun film n'endosse le «maillot jaune» de manière claire et sans conteste. Les années d'Apocalypse Now (Coppola), de Paris Texas (Wenders) etc, n'ont pas été rééditées depuis... Nostalgie? Pas forcément! Mais cela renseigne sur l'état de formatage du cinéma, un peu partout dans le monde. Et du coup, sans être blasé, nous réalisons que plus aucun film ne donne carrément le tournis. Celui qui vous fait sortir «groggy» des salles cannoises. Certes, on peut finir K.O., un film, au festival, mais pas pour de bonnes raisons. Par écoeurement. Mais, les nuits cannoises, les rencontres dans les coins traditionnels où se retrouvent ceux qui font le cinéma le plus intéressant, sont là pour vous remettre les choses en place. Car le cinéma qui passionne est concocté, à Cannes, non pas sur le gazon des villas des hauteurs de Cannes, mais dans les petits boui-boui où Godard croise Ferrara, Wenders, Mengiu, Oliveira, Demy et autres Despleshin et bien d'autres. C'est dans un petit restaurant que nous vîmes Godard signer, sur un bout de nappe, un contrat avec «Globus» pour un film Le Roi Lear, qui n'a été montré que deux fois, à Cannes et à Bobigny, au Magic Cinéma... C'est dans ces improbables endroits cannois, donc, que nous retrouvions Abdou B., Chahine,Herzog, Scola, Mouny Berrah partis dans des discussions aussi passionnantes qu'interminables. C'est aussi là qu'avec Rachid Nafir (le «Boudj» de la cinémathèque de Constantine) nous convainquions Jane Campion, de venir montrer son court-métrage au... Panorama de Constantine! C'était du temps où le Festival de Cannes avait encore une taille humaine. Il lui en reste encore un peu, heureusement! Aujourd'hui, le plus important festival au monde, est devenu un mastodonte qui garde quand même ses pieds d'argile, ce qui lui permet de conserver cette fragilité qui sied à tout ce qui est artistique. Dans ce contexte, le cinéma arabe ne (re) trouve pas sa place, pas encore. Les pays du Golfe y mettent pourtant le paquet. Mais c'est insuffisant, il leur manque, avec leurs paquets de dollars, ce qui fait l'essentiel, la vocation artistique. A ce jour, aucun cinéaste n'a émergé en provenance de Dubaï, Abou Dhabi ou de Doha, c'est significatif... De ces contrées-là, seul le Koweitien Khaled Seddiq, avec Mer cruelle (1969) a réussi à inscrire son nom dans le gotha du cinéma mondial. C'est dire combien la présence d'un stand algérien à Cannes permet de croire en des meilleurs jours pour le cinéma national. «L'important c'est d'être dans l'ascenseur, qu'il monte ou qu'il descende» disait Claude Lelouch. Il y avait 57 nations étrangères au «Village International», et il n'y avait pas 57 pays en sélection cannoise.... Trente-cinq ans d'expérience cannoise nous ont convaincus de l'importance d'être présents et l'affluence notable au stand de l'Aarc cette année laisse poindre un optimiste pareil à ce mince rayon de soleil qui pointe sur la Croisette.