«Mais bon sang on est à Cannes pas dans un hammam de Hadjout» T.H, un tayeb de hammam occasionnel au Festival de Cannes. Quel est l´idiot du village qui a dit ou qui a cru que le Festival de Cannes n´est pas politique? Sûrement, ce journaliste de là- bas chez nous, qui bosse à France Culture et qui excelle plus à faire des comptes- rendus d´une soirée cannoise algéroise que de critiquer comme il se doit un film en compétition? Mais en tout cas, la palme de discrimination cinématographique a été attribuée au Festival de Cannes. Rachid Bouchareb l´a vérifié à ses dépens, le 23 mai dernier, quand les membres des jurys ont décidé de l´écarter du podium pour le punir de cet affront politique de faire un film anticolonial. Hors-la-loi est passé à la trappe des lobbies et c´est l´Algérie qui est visée à demi-mot, à travers ce Palmarès, commandé à l´avance. En donnant un Prix du jury au film tchadien et un Grand Prix au film basé sur l´histoire des moines de Tibhirine, la France, à travers le festival, a démontré qu´elle est encore aux ordres du système colonial. On récompense une ancienne colonie, le Tchad et on dévalorise une ancienne colonie en offrant la plus vile image de ce pays l´Algérie. Dans le film Des hommes et des Dieux de Xavier Beauvois, le Festival de Cannes offre cette image d´un pays hostile, qui ne respecte ni les étrangers ni la religion. En plaçant ce film dans la compétion au même titre que Hors-la-loi, le Festival de Cannes a voulu involontairement installer le doute et la confusion dans l´esprit des milliers de critiques et de journalistes présents à ce premier rendez-vous cinématographique international. Mais comment justifier également la récompense du film tchadien, un pays qui n´a pas de cinéma, si ce n´est celui que la France finance et fait exister? Bouchareb, qui a déjà fait partie d´un jury à Cannes, s´attendait déjà à un tel verdict. Du coup, lui et son équipe sont repartis vers Paris et ils doivent déjà programmer un vol vers Los Angeles où le réalisateur prépare son prochain film sur «Bob Marley». Car Rachid Bouchareb, comme son cinéma l´indique, est plus proche du Bronx et de Hollywood Boulevard que de la Croisette et de ses soirées VIP. En l´écartant du Palmarès, le Festival de Cannes n´a fait que confirmer la présence de cette rancune de la France coloniale qui n´a pas encore digéré son départ en 1962. Rachid Bouchareb a peut être perdu une Palme d´or à Cannes, mais il a sûrement gagné un Oscar à Hollywood. [email protected]