Les structures de santé souffrent de nombreux maux «Il existe un puissant lobby qui gravite dans le milieu médical et qui sert les intérêts du secteur privé aux dépens de celui de l'Etat.» La prise en charge d'un malade commence par l'accueil par un médecin qui fait un premier diagnostic. Pour confirmer, approfondir la recherche, ce praticien a obligatoirement besoin de deux services que sont l'imagerie médicale et les analyses biologiques. Ces deux services, hélas, se sont dégradés avec le temps pour entièrement disparaître dans certains établissements hospitaliers publics. La raison la plus invoquée reste le manque de spécialistes. «Le manque de formation dans quelques disciplines comme la radiologie, la gynécologie... sont les raisons essentielles dont souffrent toutes les structures de santé à travers le pays. Ce manque n'est pas propre à Bouira; en attendant de le résoudre, nous avons exprimé des besoins à la tutelle, nous attendons l'affectation de ces spécialistes sans lesquels le service d'imagerie ne peut être opérationnel; nous avons acquis le matériel pour ne pas rester les bras croisés. Demain, avec l'arrivée des spécialistes, nous avons l'outillage pour prendre en charge le malade», nous a confié le directeur de la santé de Bouira. Pour un médecin du service public qui a requis l'anonymat, ces justifications ne tiennent pas la route. «Puisqu'il y a manque de spécialistes, pourquoi continuer à doter les établissements d'un matériel qui coûte des milliards tout en étant persuadé qu'il ne servira pas? On dépense pour dépenser. Le vrai problème reste une question de bonne gestion. On a réalisé un centre d'imagerie ultramoderne au chef-lieu pour le fermer quand des privés louent des garages pour les aménager en centre, et travailler sans interruption». L'hôpital Mohamed-Boudiaf du chef-lieu dispose d'un centre d'imagerie doté et équipé en scanner, mammographe, échographe, radio cardiogramme... dernière génération. Ce centre reçoit, une fois par semaine, les urgences. Pour pallier aux urgences, un médecin spécialiste affecté à l'hôpital de M'chedallah, où seule une radio conventionnelle est disponible, a été redéployé sur Bouira. Une semaine après son installation, l'intéressé aurait simplement déposé sa démission du secteur public. «Il existe à Bouira un puissant lobby qui gravite dans le milieu médical et qui sert les intérêts du secteur privé aux dépens de celui de l'Etat», commente un médecin généraliste. Le scanner de l'hôpital n'étant pas fonctionnel fait les affaires des centres d'imagerie médicale qui poussent comme des champignons à Bouira, puisque le chef-lieu compte déjà quatre unités opérationnelles. Le problème n'est pas le scanner, mais un problème d'interprétation. «L'hôpital a des manipulateurs qui peuvent faire toutes sortes de radios, mais seul un spécialiste peut faire l'interprétation. En cas d'extrême urgence, nous faisons appel aux spécialistes privés de la ville qui répondent favorablement», nous confie un cadre de la santé. Récemment, la Cnas a lancé l'opération dépistage précoce gratuit du cancer du sein. Les assurés de Bouira ont été invités à prendre rendez-vous à Sétif par exemple quand l'appareil, dernière génération, est couvert d'un drap au centre Mohamed-Boudiaf. Quand sous d'autres cieux, le médecin utilise l'IRM pour vérifier ses diagnostics, à Bouira, le stéthoscope reste le seul outil à la disposition du médecin qui vous dirige vers l'extérieur où tout est disponible. Il suffit de mettre la main à la poche. Comme pour persister dans l'erreur, la wilaya vient d'acquérir deux autres scanners pour les hôpitaux de Lakhdaria, Sour El Ghozlane en attendant celui de Aïn Bessem et M'chedallah. «A quoi bon mettre en place ces appareils si c'est pour les couvrir et les laisser rouiller», s'inquiète un citoyen, rencontré à l'entrée de l'hôpital de Bouira. La récente décision d'imposer des stages de formation aux personnels en exercice s'inscrit dans cette optique de préparer un personnel en fonction des besoins du terrain». La principale raison des dysfonctionnements qui caractérisent le secteur de la santé reste l'inadaptation de la formation avec les besoins réels du terrain. On affecte, par exemple, des spécialistes en ORL, des dermatologues, des ophtalmologues... des neurochirurgiens (service inexistant) quand l'hôpital a besoin de gynécologues, néphrologues, radiologues, biologistes... L'effort fait en matière d'infrastructures en équipements reste important, mais la mise en service de ces dotations reste un souci permanent pour le citoyen qui n'a pas les moyens d'aller vers le privé.