La course de Rome a montré que le meilleur sprinter de la planète est loin de sa forme de pointe. Sextuple champion olympique de sprint, le Jamaïquain Usain Bolt a accueilli avec une dose d'incompréhension et beaucoup d'autodérision sa 3e défaite sur 100 m en meeting depuis 2008, jeudi à Rome en Ligue de diamant, en se promettant de «travailler plus dur». Deux fois en or aux JO sur la ligne droite (2008, 2012), Bolt a été devancé (9.95 contre 9.94) par l'Américain Justin Gatlin, couronné en 2004 à Athènes et passé depuis par la case suspension pour dopage (2006-2010). Quelques précédents: Martien du sprint, Bolt n'est pas invincible. Pour rappel, son compatriote Asafa Powell, en 2008, et l'Américain Tyson Gay, en 2010, l'avaient déjà devancé sur 100 m, à Stockholm dans les deux occasions. Son cadet et partenaire d'entraînement Yohan Blake l'avait aussi battu aux sélections nationales (sur 100 et 200 m), quelques semaines avant les JO de Londres. Après chacun de ces (rares) faux-pas, «La Foudre» a su réagir et rétablir la situation en sa faveur. Finalement, la défaite qui lui brûle encore, c'est bien son élimination en finale du 100 m des Mondiaux 2011, à Daegu (Corée du Sud), pour faux départ. Est-ce grave docteur? Bolt est arrivé à Rome sans repère, si ce n'est une victoire à la photo-finish et dans un pauvre (pour lui) 10 sec 09, le 9 mai aux îles Caïmans. Même s'il dit ne plus souffrir du léger claquage qui avait interrompu sa préparation fin avril, la course de Rome a montré que le meilleur sprinter de la planète est loin de sa forme de pointe. «Les ischio-jambiers? Je n'ai pas eu mal avant la course, un peu après», a-t-il souligné. Et d'expliquer, entre rire et perplexité: «J'ignore les raisons de cette mauvaise course. L'ironie, c'est que je n'ai jamais pris un aussi bon départ (143/1000e de temps de réaction). Cela m'a peut-être perturbé. Je n'avais pas d'énergie dans les jambes (...) Je n'y étais pas, ce n'était pas moi. Je dois travailler plus dur, je pense que j'ai besoin de temps pour que tout revienne. Les Mondiaux sont dans deux mois et demi». La concurrence se muscle. Au sommet depuis cinq ans, Bolt est confronté en cette saison post-olympique à la seconde jeunesse de la paire américaine Justin Gatlin-Tyson Gay, mieux que de vieux chevaux de retour. Enfin rétabli de gros problèmes à une hanche, qui l'ont handicapé depuis l'avènement de Bolt, Gay a montré dès le début de cette saison qu'il était redevenu le «pur-sang» du Kentucky. Celui qui était la référence de la vitesse en 2007, avec un doublé 100-200 m aux Championnats du monde d'Osaka (Japon). Actuellement convalescent, Blake, champion du monde du 100 m et dauphin de Bolt aux derniers JO, reste potentiellement l'adversaire le plus redoutable. Usure et lassitude? Nombre d'entraîneurs et d'observateurs estiment que Bolt est dans la phase descendante de sa parabole, usé physiquement, assouvi par les succès à répétition. Mais ils avancent masqués, craignant d'être démentis par ce diable d'homme. Pour sa part, Bolt assure qu'il entend prolonger sa course triomphale jusqu'aux JO de Rio, en 2016.