Les médias occidentaux se gargarisent depuis quelques jours de la supposée «ligne rouge» qui aurait été franchie par la Syrie qui aurait utilisé des armes chimiques. De son côté, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, s'est répandu au long du week-end dans les médias, expliquant que le «régime» de Assad a usé à au moins une reprise du «gaz sarin», soulignant qu'une «ligne a été franchie» et que «toutes les options sont sur la table». En fait, la France - de même que les USA et la Grande-Bretagne - est partie prenante dans la guerre qui déchire la Syrie par l'aide multiforme qu'elle apporte à la rébellion syrienne. Sous cet angle, il est patent que Paris ne peut être considérée comme une source impartiale et tout ce que ses dirigeants avancent est sujet à suspicion. Il est possible que des parties aient fait usage d'une telle arme. Ce qui serait condamnable et doit être condamné. Ce qui est abusif, en revanche, est l'accusation portée contre le seul régime syrien. M.Fabius se garde d'y incriminer la rébellion soutenue par l'Occident. Or, selon d'autres sources et témoignages, il semble que la rébellion - qui a pillé les dépôts de l'armée syrienne à Alep à la fin de 2012 - ait été la première à avoir usé de ces armes prohibées. En fait, l'Occident a tout mis en oeuvre pour faire tomber le régime syrien y compris par des moyens qui contreviennent au droit international et que la morale réprouve. Sans état d'âme, l'Occident et les monarchies du Golfe ont armé et financé une rébellion contre un Etat souverain. Dans tous les cas de figure cet Etat a le droit de se défendre. Pourquoi ce qui serait normal pour l'Occident, à savoir se défendre contre des attaques soutenues par des pays tiers, ne le serait pas pour la Syrie? Il ne s'agit pas de défendre le régime de Bachar al-Assad, mais relever l'implication totale du trio occidental (Paris, Londres et Washington) - qui n'est pas, quoi que l'on dise, la «communauté internationale» - dans la tentative d'abattre l'actuel pouvoir en Syrie, foulant aux pieds la Charte de l'ONU et le droit international. Même le mensonge d'Etat est mis à contribution, quand l'Occident se veut juge et partie. Même le Conseil des droits de l'homme de l'ONU (CDH) tend à devenir une annexe des trois superpuissances qui donnent le ton et indiquent les priorités. Nous n'avons entendu ni Londres, ni Paris encore moins Washington ou le CDH, condamner Israël pour avoir usé de bombes au phosphore blanc et à l'uranium appauvri contre le Sud-Liban en juillet 2006 et contre le Hamas en décembre 2008 - janvier 2009. Le silence était alors la règle. Libanais et Palestiniens ont demandé, en vain, à l'ONU d'ouvrir des enquêtes sur l'usage par Israël d'armes prohibées. Evidemment, il n'y eut pas d'effets, mais plusieurs ONG ont démontré par la suite qu'Israël avait bien utilisé ces armes interdites, contre les populations palestinienne et libanaise. Personne, et surtout pas Paris, n'avait parlé de «franchissement» de la «ligne rouge». D'ailleurs, cette «ligne», elle est instaurée par qui? Pourquoi n'a-t-elle pas été actionnée contre Israël et les Etats-Unis? Les Etats-Unis eux-mêmes ont en effet usé de bombes au phosphore blanc et à l'uranium appauvri contre la population irakienne en 2003, notamment dans la ville de Fallouja. En fait, il y a plusieurs analogies entre ce qui s'est passé en Irak en 2003, au Liban en 2006, à Ghaza en 2008 et ce qui se passe aujourd'hui en Syrie où l'on retrouve encore les Etats-Unis en premier plan alors qu'Israël tire les ficelles. L'Irak de Saddam Hussein et la Syrie de Bachar al-Assad sont devenus, à leur corps défendant, des obstacles à la réalisation des objectifs et stratégies - au moins sur le Moyen-Orient - que les Américains, hier seuls, aujourd'hui accompagnés par Paris, Londres et les monarchies du Golfe, veulent imposer à la région. Si, en 2003, les Etats-Unis se passant de l'approbation des Nations unies, n'ont reculé devant aucun expédient pour parvenir à leurs fins, le scénario semble toutefois un peu plus compliqué, plus difficile à réaliser dans le monde de 2013. Aussi, de quelle «ligne rouge» parlent Obama et Fabius alors qu'à un niveau ou à un autre, les Etats-Unis et la France ont participé à la désagrégation de la situation en Syrie rendant l'emploi d'armes prohibées possible, sinon probable? Si condamnation il y a, il faut d'abord condamner ces puissances qui se sont placées au-dessus de la Charte de l'ONU et des lois qui régissent le monde.