Quoiqu'attendue par tous, l'annonce met un frein aux spéculations qui allaient bon train à propos des choix du président. C'est désormais officiel. Ceux que les observateurs ne désignaient plus que par la locution «président-candidat» ne décevra pas les espoirs des uns et les craintes et critiques des autres en confirmant, par le biais d'une commission, dite d'organisation de la cérémonie officielle, qu'il va annoncer officiellement sa candidature ce dimanche au niveau de l'hôtel El-Aurassi. Bouteflika, avant d'en arriver là, a méthodiquement oeuvré à mettre toutes les chances de son côté. C'est donc en sa qualité de chef de l'Etat, soutiennent ses sympathisants, qu'il a passé le plus clair de son temps, ces derniers mois, à sillonner le pays, en marathon effréné, distribuant de l'argent par-ci, serrant des mains par-là, et «boustant» associations locales, zaouïas et comités de soutien en vue d'être prêt pour la «grande déferlante électorale» le jour J.C'est également en sa qualité de «président de la République», et non pas de candidat, qu'il a tenté par tous les moyens, multipliant concession sur concession, de mettre un terme, sans succès, il faut le dire, à la crise de Kabylie. Il a, ainsi, attendu jusqu'au dernier moment, tout juste à 24 heures de l'expiration du délai de dépôt des candidatures, pour afficher clairement ses ambitions et, partant, cesser en partie d'être le chef de l'Etat pour tenter d'épouser les habits plus contraignants d'un simple prétendant à la magistrature suprême du pays. De grandes spéculations avaient circulé sur le rôle de l'Armée dans ce scrutin, les uns soutenant son absolue neutralité, les autres son penchant en faveur de Bouteflika. Sur ce plan aussi, le président donne l'air d'avoir pris tout son temps, se prémunissant de toute mauvaise surprise, avant de se jeter dans la grande mêlée électorale. Bouteflika, dont les relais ont mis en branle un tir de barrage médiatique sans précédent en vue de défendre ses cinq années de gouvernance avec des propos dithyrambiques, s'est même permis le suprême luxe d'assister à la naissance d'une alliance politique l'exhortant à briguer un second mandat, mais aussi à obliger deux de ses adversaires à jeter l'éponge. Dimanche prochain, à El-Aurassi, face à un imposant parterre, composé de partis, de ministres, d'associations et de personnalités, qui lui sera tout acquis, jouera sur du velours. Avec son aisance linguistique que lui envient beaucoup de ses adversaires, Bouteflika charmera son monde, comme à son accoutumé. Il défendra son bilan, en appellera à l'amélioration de la situation sécuritaire, à l'embellie financière, aux multiples hausses dans les salaires. Personne ne l'abordera sur les questions liées à la liberté d'expression, les harcèlements con-tre la presse, les partis gelés et interdits, le prix payé contre cette embellie sécuritaire, la crise de Kabylie qui a été quasi mûrie et entretenue trois années durant, et tant d'autres choses. Bouteflika abordera forcément son nouveau programme électoral, constituant la continuité de ce qu'il a déjà «accompli». Selon des sources crédibles, proches du cercle présidentiel, Bouteflika, dans son discours, devrait s'appesantir longuement sur de nombreuses promesses au niveau de l'amélioration des conditions sociales. Il ferait même d'alléchantes promesses salariales dans un double but qui ne saurait échapper à personne. Le premier serait de tenter de se rallier la puissante Ugta afin de garantir son élection sans en arriver à un second tour. Le deuxième, qui n'est pas moins important, viserait à amadouer le PT dans une étape suivante, dans le fol objectif de crédibiliser assez son prochain gouvernement en y incluant une femme comme Louisa Hanoune, ou à tout le moins des représentants de sa formation politique. Bouteflika, qui sait avoir mis toutes les chances de son côté après avoir traversé une phase assez critique, aura quand même à faire face à pas mal d'écueils avant de pouvoir se succéder à lui-même. Des candidats comme Ali Benflis, Ahmed Taleb Ibrahimi et Abdallah Djaballah n'en sont pas des moindres. Tous ceux qui ont côtoyé de près le locataire du Palais d'El Mouradia s'accordent à dire que ce dernier ne saurait s'accommoder de «l'humiliation» d'un second tour, quel que soit l'adversaire qu'il aurait en face de lui. Cela remettrait en cause son statut, défendu par tous, de président de tous les Algériens, quoiqu'en disent ses «détracteurs», «politiciens de salons», «ne connaissant rien de l'Algérie profonde», pour reprendre les termes, échangés en privé, entre les plus fervents défenseurs du président-candidat. Le sort en est jeté. Le décor est planté. La machine électorale en est à une belle vitesse de croisière. Même si rien ne va plus, les jeux ne sont pas faits.