Verdict Ils sont morts et de toute façon, ils l?étaient déjà, disaient beaucoup de jeunes Iraniens qui avaient pourtant beaucoup espéré des réformateurs. La participation de 50,57% aux législatives iraniennes est, certes, la plus faible enregistrée pour une élection majeure sous la république islamique. N?empêche que cette abstention record ne change cependant rien au fait que les conservateurs ont de nouveau presque toutes les clés du pouvoir en attendant la présidentielle. Depuis le scrutin de vendredi, les médias conservateurs, en particulier la radio et la télévision, n'ont cessé d'affirmer que la participation avait atteint 60%. «Les groupes hostiles au régime islamique basés à l'étranger et les groupes extrémistes à l'intérieur disaient que ces élections constituaient un référendum sur le régime, nous avons vu quelle réponse a été donnée», écrivait, hier, dimanche, le quotidien conservateur Jam-é Jam. Mais le chiffre annoncé par le ministère de l'Intérieur (tenu par les réformateurs) anéantit les espoirs des conservateurs qui tablaient sur une forte participation pour que personne ne remette en cause leur confortable majorité. Hier, les étudiants iraniens s'accordaient à proclamer la fin des réformes telles que les incarnait le président Mohammad Khatami. A la pointe de la revendication démocratique, les étudiants n'ont pas attendu la mise en minorité des amis du président par les législatives pour faire le deuil des changements qu'ils promettaient. Nombre d'entre eux n'ont pas participé aux législatives qui ont envoyé au Parlement une forte majorité conservatrice peu encline à poursuivre l'effort de libéralisation politique, sociale et culturelle. «Je n'ai pas voté, je ne connaissais pas un seul des candidats», dit Chohreh, une étudiante en chimie de 22 ans à l'université de Téhéran. Les organes de contrôle conservateurs ont interdit à la plupart des principales personnalités réformatrices de se présenter aux élections parce qu'elles avaient manqué, selon eux, à l'Islam et à la Constitution. Mais Chohreh, rouge à lèvres et pantalon ajusté sous le manteau, n'aurait «pas voté de toute façon». Chohreh appartient à ces étudiants qui ont pris leur part à la série de succès électoraux des réformateurs entre 1997 et 2003 et qui ont vainement attendu. Ils ont vu leur protestation durement réprimée en 1999 et des dizaines des leurs arrêtés cette année-là et en 2003, sans que les réformateurs leur épargnent les interrogatoires, la prison ou les sanctions. Fin 2002, le nom du président Khatami est apparu parmi ceux dont les étudiants réclamaient la démission après que la justice eut condamné à mort l'intellectuel et universitaire Hachem Aghajari pour blasphème. «Les réformateurs sont morts. Ils étaient déjà morts. Maintenant, ils sont encore plus morts», dit Reza, 23 ans, étudiant en médecine.