Tout le monde, peut-être, ne sait pas que l'aluminium constitue en Algérie un marché porteur et juteux. en particulier pour une forme de mafia qui continue à servir et ce, depuis plusieurs années, et en particulier depuis janvier 2003, date à laquelle a été institué le droit additionnel provisoire: une mesure qui avait pour vocation la protection momentanée des producteurs de valeur ajoutée, des investisseurs et de tous ceux qui contribuent à la création d'emplois, de revenus et de mise en valeur de notre pays, qui, lui, a besoin de tout et de tous. Or, voilà une mesure de protection provisoire, en raison des engagements internationaux de l'Algérie, qui se transforme en aubaine et en gisement incommensurable, pour des barons organisés en véritable mafia, gérant aussi bien les flux physiques que les flux financiers, en se jouant de la réglementation, ou en jouant avec elle. Pour les profanes, il faut savoir que l'aluminium est une matière première indispensable au processus de construction et au développement du marché du bâtiment comme le sont le ciment, le bois, le fer, etc. En effet, aujourd'hui, face aux besoins du marché, on fait feu de tout bois, y compris l'utilisation de l'aluminium dans la réalisation d'infrastructures, de bâtiments et de logements. C'est dire l'ampleur des besoins et aussi l'importance de l'aluminium dans l'approvisionnement des activités de réalisation, jusqu'ici, rien de plus normal. Mais voilà, les choses n'ont pas cette apparence linéaire et transparente. Depuis la mise en place du droit additionnel provisoire (DAP), qui est une taxe qu'un opérateur paie au moment de l'importation d'un bien, en plus des droits de douane, les fieffés et avisés importateurs d'aluminium engagés exclusivement dans la revente en l'état, ont trouvé une astuce, bénéficiant, de surcroît, de la bénédiction et de l'approbation du directeur de la valeur en douane, aujourd'hui relevé de ses fonctions, suite à la plainte d'un opérateur privé, producteur et investisseur dans la branche. Quelle était cette «mirifique» astuce? Elle était simple. Elle consistait à enregistrer des déclarations d'importateurs de profilés aluminium sous de fausses positions tarifaires, ce qui constitue un délit économique au regard des dispositions de l'article 325 du code des douanes. Ces fausses déclarations ont coûté au Trésor algérien l'équivalent de 475 millions de dinars en manque à gagner fiscal pour une importation d'environ 2000 t de profilé (source Cnis). Ces 475 millions de dinars ne sont, en fait, que les sommes dues au Trésor par les fieffés importateurs, dans la réalité au nombre bien restreint de deux, si leurs importations avaient été enregistrées avec un droit de 15% et un DAP de 36%. Voilà comment 51% de la valeur des importations échappent au Trésor et rendent prospères des opérateurs pour qui le marché algérien n'est qu'un exutoire à bas prix de production étrangère, en particulier d'origine jordanienne, turque et tunisienne. Le manque à gagner fiscal du Trésor n'est pas la seule douleur pour l'économie nationale. Il faut ajouter à cela la concurrence déloyale exercée à l'encontre des producteurs et investisseurs qui se trouvent pénalisés, le mot est faible, par des produits bénéficiant en amont, c'est-à-dire dès leur entrée sur le marché, d'un prix minoré volontairement pour échapper aux taxes et d'une giga-marge. La sous-facturation est une cause supplémentaire de cette grossière affaire lorsqu'il est connu que l'aluminium est une matière première cotée en Bourse (LME) conférant, après transformation, un prix de 2600 à 3000 USD par tonne au profilé aluminium destiné à la revente en l'état. L'opérateur privé, auteur de la découverte du faux positionnement tarifaire accepté par les services de la douane algérienne, a apporté la preuve du délit en mettant à lumière, à travers des statistiques officielles de la douane, comment les importateurs de profilés d'aluminium sont passés de la position 76042900 avant janvier 2003 à la position 76109000. Il faut savoir, pour ceux qui ne le savent pas, que la position 7604 est celle réservée au profilé d'aluminium (76042100) destiné exclusivement à l'assemblage de châssis et revendus en l'état sans aucune transformation. A ce titre, cette position est taxée à 15% de DD et 36% de DAP. Quant à la position 76109000, qui est en réalité une sous-position, elle concerne les structures de construction et parties de construction qui n'ont absolument rien à voir avec le profilé d'aluminium qui lui est nommément désigné par la nomenclature douanière. Question à vingt sous : pourquoi avoir conféré aux importateurs de profilés d'aluminium la position attribuée aux structures de construction au moment où la loi de finances 2003 institue un DAP de 36% dans le cadre d'une liste additive de secteurs d'activité à protéger pour une meilleure consolidation? Réponse : le gain rapide est une forme de laxisme, de complaisance, voire de complicité, de la part du responsable de la valeur en douane, expliquent-ils cette triste et coûteuse situation, au moment où toute la communauté économique, les chefs d'entreprises et le PME appellent de toutes leurs forces la fin d'une économie informelle suicidaire pour le pays. Le premier magistrat s'en est fait l'écho lors des assises nationales des PME, les 14 et 15 janvier 2004. Les opérateurs, à l'origine de ce véritable trafic à travers un délit de fausse déclaration d'espèce, ont été identifiés de source douanière. Leurs opérations d'importation sont actuellement sous haute surveillance. De plus, ils constituent le relais d'une société jordanienne qui profite des incohérences et des incompétences au niveau de l'évaluation de la valeur en douane pour déverser ses produits et faire son beurre sur le marché algérien. Cela rappelle la triste expérience des pseudoproduits tunisiens déversés en Algérie. Au moment où notre pays s'ouvre sur l'international, quel est le rôle dévolu à la douane durant cette longue et bien coûteuse transition vers l'économie de marché? Le code des douanes tout comme sa réglementation disposent de tout un arsenal juridique pour démanteler ces réseaux d'importations frauduleuses a priori et a postériorité. Quelles sont les raisons qui la retiennent pour frapper dans la fourmilière? Doit-elle faciliter l'émergence de véritables patrons d'industrie ou servir de marchepied porteur et prospère à une mafia impunie et bénéficiant de toutes les franchises et immunités possibles? La question reste ouverte et renvoie, encore une fois, à la qualité de la gouvernance de notre pays et surtout de notre économie nationale.