Le fruit d'un long travail de recherche Dans ce livre au format d'ailleurs très pratique, les deux auteurs, Mohand Ouramdane Larab et Mezaoui Hamid, viennent de livrer enfin le fruit d'un long travail de recherche. Aussi, la recherche ne porte pas sur un sujet mineur. Bien au contraire, le travail de fourmi a porté sur un grande personnalité de la culture et de la littérature orale de Kabylie, Cheikh Mohand Oulhocine. Deux choses rendaient difficile leur travail: la langue et le statut du personnage qui a été déjà sujet à plusieurs recherches élaborées par des éminences comme Mammeri et Feraoun. A lire Awal Ghef Cheikh Mohand, on ne peut que saluer la prouesse des deux auteurs. Larab et Mezaoui ont réussi deux défis, à savoir apporter du nouveau ou dire ce qui n'a pas encore été dit, et chose impossible jusque-là, faire passer la langue kabyle du statut de langue, objet d'étude à celui de langue outil d'étude. L'Expression: Vous venez de publier un livre sur Cheikh Mohand Oulhocine. Un travail de recherche entièrement écrit en tamazight. Une chose nouvelle dans le monde de l'édition. Peut-on s'attendre à du nouveau aussi sur le cheikh, en plus de ce que les autres auteurs ont écrit? Mohand Ouramdane Larab et Mezaoui Hamid: Cette initiative vient de l'éditeur Hamid Mezaoui, qui a décidé de publier un ouvrage collectif, de mon premier travail publié au Maroc aux éditions Imperial, en 1997, sous le titre Tadyant n Ccix Muhend Ulhusin, (l'histoire de cheikh Mohand ou Lhocine),ainsi que son ouvrage publié en Algérie durant les années 2000,sous le titre Les dires de cheikh Mohand ou Lhocine. Ces travaux ont été jumelés pour donner vie à ce nouveau recueil sous le titre Awal ghef Ccix Muhend (Paroles sur Cheikh Mohand Ou Lhocine). Quoiqu'il ne soit plus de ce monde depuis plus d'un siècle, ses dires et ses versets, citations sont toujours d'actualité. Concernant mes publications dans le domaine de la littérature orale amazighe, je continue à apporter ma pierre à l'édifice de l'amazighité, par mes écrits et mes recherches où par le passé, j'ai publié un recueil de poésie sur Si Mohand U Mhend, un autre sur El Hocine de Adeni, et celui sur Cheikh Mohand Ou Lhocine, édités tous les trois aux éditions Imperial à Rabat au Maroc en 1997, puis celui d'un autre poète de Djemaâ N Saharidj, El Hadj Arezki Haouch. en 2007, chez le même éditeur Le Savoir. Avec ce travail, vous venez d'enclencher une autre dynamique et une autre phase pour la langue amazighe. Après une période où elle est restée objet d'étude, vous êtes l'un des premiers, si ce n'est le premier, à la faire passer au stade de langue outil d'étude. Est-ce un exercice facile pour vous? Je ne peux que revendiquer ma primauté dans ce domaine, car le terrain de tamazight est encore vierge, malgré certaines tentatives de certains militants de la cause, mais il reste toujours à faire dans ce domaine, ces initiatives doivent être encouragées par les institutions de l'Etat afin d' aboutir à un résultat probant, comme ça se fait au Maroc, où tous les moyens sont mis à la disposition de chercheurs et acteurs du domaine amazigh. Ici, malheureusement, aucun encouragement si ce n'est des entraves. Prenons le cas du Salon international du livre d'Alger, où il était rare de trouver un éditeur dans le domaine amazigh sur un millier d'exposants, c'est ça le grand drame. Quant aux initiatives personnelles et individuelles, chacun travaille, dans son petit coin, une fois le travail terminé, il fera du porte-à-porte pour trouver une maison d'édition afin de publier ses travaux de recherche. Par contre, ailleurs, dès qu'on lance le projet, on reçoit les financements nécessaires et tous les encouragements pour persévérer dans la bonne voie, et réaliser le travail dans les meilleurs délais possible. Ici, pour avoir un acte de décès d'un des poètes des At Yiraten, il faut six mois. Pour revenir au livre, vous racontez le cheminement de votre recherche. Avec du recul, est-il plus facile aujourd'hui, avec les technologies nouvelles, de faire de la recherche sur la littérature orale kabyle? Dans le domaine de la littérature orale, ça se passe de bouche à oreille, car la collecte se fait de cette manière, nos aïeux n'ont pas transcrit leurs poèmes, contes, devinettes, anecdotes etc.....le premier à avoir fait ça, c'était Si Amar Ou Saïd Boulifa, puis Belkacem Ben Sedira au siècle dernier. Les moyens technologiques nous aident dans la transcription et la rédaction, lorsque je me rappelle de ma vieille machine à écrire des années 1950, je me réjouis aujourd'hui, lorsque j'écris sur mon PC. Mais toujours est-il, on fait appel à ces nouveaux moyens, car ils nous offrent un gain de temps important au lieu de passer toute une journée, voire une semaine, selon les cas, dans une bibliothèque pour établir une fiche biographique d'un poète donné, avec les nouvelles technologies nous avons une bonne demi-heure et le travail est fait. Comparativement aux années 1980, un travail de recherche peut prendre jusqu'à cinq années de travail. Durant les années 1990, cela pouvait prendre trois années. Ces derniers temps, il y a une nette amélioration dans les délais de réalisation des travaux, vu la disponibilité des moyens actuels. Vous venez de passer un séjour en Libye. Pouvez-vous nous décrire quelques aspects de l'ambiance du combat pour la reconnaissance de la langue amazighe là-bas et comment, selon vous, peuvent collaborer les Berbères d'Afrique du Nord pour faire progresser leur langue? Mon dernier séjour en Libye est purement professionnel, car ma présence en Libye et particulièrement à Tripoli et ses environs, s'est faite dans le cadre d'une mission bien précise, dont je ne peux parler à cette occasion. Mais dans l'ensemble de mes missions à l'étranger, je joins toujours l'utile à l'agréable, soit dans le domaine culturel ou le domaine sportif du temps où j'exerçais une activité. Le plus important pour moi, durant ce voyage, est d'avoir trouvé une maison d'édition pour mon Student Dictionnary anglais-français-tamazight-arabe, publié chez Phediprint en 2004 à Rabat au Maroc. Quand au combat pour tamazight en Libye, il avance, bien et qu'il soit entre de bonnes mains, ce que les Kabyles ont fait en 50 ans et les Marocains en 30 ans, les Amazighs de Adrar Nefousa l'ont fait en deux années. D'autres projets d'écriture dans un proche avenir? Effectivement, il y a toujours des projets en cours, mais malheureusement, notre environnement ne favorise pas la création et l'inspiration. Des travaux sont en cours de finalisation, un recueil bilingue en hommage aux poètes des At Yiraten, un lexique économique français-tamazight-arabe, une réédition du lexique scolaire publié au Maroc en 2004, et du recueil de poésie de Si Mohand Ou Mhend édité chez Le Savoir en 2006.