C'est au cours du XVIe siècle que le chir-el-melhoun, sous la forme de poésie populaire, a fait son apparition en Algérie, par le biais du grand poète Sidi-Lakhdar Benkhlouf. Cette grande figure mystique invoque le Prophète dans l'ensemble de ses récits, faisant référence à ces louables vertus. Ces quaâdates sont constituées généralement du sort réservé à certaines villes du pays, ainsi qu'à leur population qui, aujourd'hui, est devenue source de richesse incontestable de notre patrimoine culturel. Né vers la fin du XVe siècle, à Maghraoua situé sur les monts du Dahra, à 50 km à l'est de la ville de Mostaganem, il s'est éteint à l'âge de 125 ans, en laissant quatre garçons et une fille, auxquels il avait transmis un message, à travers une qacida, reprise à ce jour par les grands maîtres de la chanson chaâbie. «El mout lahghatni, ouel-ard el barda». Lakhdar Benkhlouf était aussi considéré à son époque, comme un grand combattant. La célèbre bataille de Mazagran durant le mois d'août 1558 fit de lui un général, selon les sources de référence attribuées par les Espagnols. Cette célèbre bataille de Mazagran est à l'origine d'une qacida, dans laquelle, il met en relief le moindre détail de cette rude bataille historique, infligeant une sérieuse défaite aux Espagnols. Lakhdar Benkhlouf lui-même, est une légende où dans la majorité de ses poésies, il a mis en exergue ses propres visions, qui se sont traduites par des réalités, tout en vouant grand respect et amour au prophète Mohamed, Que Le Salut Soit Sur Lui. Sa qacida intitulée «ya saâdi ou farhi» laisse apparaître qu'il avait effectué un voyage chez Sidi Boumediène de Tlemcen, au cours d'un rêve, et qu'il avait reçu un message, l'invitant à faire partie du mouvement religieux de cette époque par la voie mystique. Au cours de sa vie, Lakhdar Benkhlouf a consacré la plupart de son temps à s'informer sur tous les courants religieux existants, ce qui lui a permis de constituer son immense répertoire, mettant en valeur essentiellement la puissance de Dieu, la richesse de la nature, les vertus de la vie pieuse. Son oeuvre, d'une richesse inestimable, s'est propagée dans tout le Maghreb, et constitue un patrimoine culturel, interprété par des milliers de chanteurs. Par ailleurs, plusieurs de ces qaâdate ne figurent pas dans les archives. Dans la plupart de ses écrits, de grands chapitres sont réservés aux versets coraniques afin de mettre en valeur la puissance céleste. Grâce à sa persévérance, sa foi, sa passion pour les louanges à Dieu et au Prophète Mohamed, Lakhdar Benkhlouf était considéré de son temps comme «l'Emir des chouaâra». A sa mort, Sidi Lakhdar Benkhlouf a laissé une oeuvre d'une grande envergure, où malheureusement seule la moitié de ce riche patrimoine, a pu être à ce jour archivée et reconstituée par des chercheurs et historiens, qui ne cessent de lutter pour en savoir plus sur cette oeuvre accomplie par ce monument du chir-el-melhoun. Lakhdar Benkhlouf a donné à la musique chaâbie et bédouine les plus beaux poèmes qui puissent exister. Enterré à Sidi Lakhdar, localité distante de 60 km de Mostaganem, qui deviendra chaque année un lieu de pèlerinage pour les adeptes, les hommes de culte, et de nombreux citoyens, qui se rencontrent lors du rukb. Après avoir consacré quatre-vingt-dix années environ de son existence à la méditation, au medh, à la poésie, et au culte, Lakhdar Benkhlouf est considéré comme l'un des plus grands poètes mystiques qu'a connus notre pays.