Les heureux lauréats des examens de fin du cycle scolaire primaire (cinquième) qui seront suivis sous peu par ceux du BEM et du baccalauréat s'imaginent-ils un instant comment se dessinera leur destin? Ce n'est pas sûr. Or, les parents se préoccupent de plus en plus du niveau de l'enseignement donné à leurs enfants - dans une école réputée sinistrée - avec toutes les retombées négatives que cela augure pour leur avenir. Comment pouvait-il en être autrement lorsque - après un difficile parcours du combattant - ces enfants, futurs étudiants, se retrouvent confrontés à des obstacles, souvent infranchissables, qui peuvent obérer leur devenir, celui pour lequel ils commencent à travailler dès leur accès aux paliers complémentaire et secondaire. Il n'y a qu'à se remémorer les drames que suscite chaque année l'examen du Bac. Ce sont les sciences quand ce n'est pas les maths ou la philosophie qui stoppent leurs efforts. Cela, c'est la résultante directe de la qualité de l'enseignement aux plans pédagogique et social. Or, il s'agit de l'avenir de nos enfants, de l'efficacité à l'universel de notre enseignement qui, désormais, produit l'échec. L'échec, en effet, quand on songe aux milliers de diplômés de l'université qui ne trouvent pas leur place dans le système socio-économique national. Pourquoi se flatter de la sortie chaque année de 100.000 à 200.000 diplômés de l'université quand le marché de l'emploi est incapable de les absorber? En fait le noeud gordien se situe à deux niveaux: la qualité médiocre de l'enseignement universitaire d'abord, l'absence de lien entre l'université et les potentiels employeurs, ensuite. En fait, cela est dû à la «guerre» anormale que livrent depuis des années l'Education nationale et l'Enseignement supérieur aux enseignants - par syndicats interposés - phénomène qui n'est pas pour peu dans les dérives et la régression de la qualité de l'enseignement en Algérie. En effet, le jeune diplômé n'est pas assuré que sa licence lui ouvre les portes de l'avenir. Nos diplômés - futurs chômeurs en puissance - sont certes formés chez nous, mais n'ont pas la confiance des employeurs. Le fait est que l'industrie, les entreprises (publiques et privées), les grands chantiers préfèrent voir ailleurs en faisant appel à grands frais en devises à des «bureaux d'études» étrangers souvent moins qualifiés que les nôtres. Les déperditions se trouvent en fait à tous les niveaux: l'école et les lycées perdent en cours de route des milliers de jeunes que les centres de formation n'arrivent pas à récupérer - ce qui fait que l'Algérie importe des ouvriers dans les petits métiers (charpentiers, menuisiers, maçons, électriciens plombiers) - alors que l'université forme de plus en plus de chômeurs. Le cercle vicieux! N'y échappent que ceux qui ont décidé de se réaliser ailleurs. C'est une constante, l'Algérie importe des travailleurs de toute catégorie - de l'ouvrier à l'expert - mais exporte ses meilleurs cerveaux. L'aberrant dans tout ça est que notre pays a les moyens d'allouer des mensualités de 250 millions par mois à des footballeurs, mais reste incapable de retenir ses ingénieurs en leur offrant 100 millions par mois. Nous n'exagérons rien. Cela est vérifiable. Le gouvernement sait à quoi s'en tenir, qui a les vraies statistiques de la fuite des cerveaux. Aussi, n'en rajoutons pas! Les torts ne se trouvent pas toujours là où on le suppose et le dialogue sincère exempt de toute rhétorique n'est pas le fort de ceux censés veiller à la bonne marche de l'école et de l'université par la mise à disposition de tous moyens essentiels à leur mission. Et cette remise des choses à l'endroit ne peut se faire sans ceux-là mêmes qui constituent le creuset du savoir et de la connaissance: les enseignants, quel que soit le palier dans lequel ils professent. Aussi, la mise en place des conditions humaines, matérielles et sociales reste la condition sine qua non d'un enseignement de haute qualité permettant l'émergence d'une Ecole algérienne compétitive qui réponde aux demandes de développement du pays. Ce qu'il serait vain d'espérer obtenir par l'exercice de l'autoritarisme et de l'autisme. Cette attitude velléitaire n'est pas le signe d'un Etat fort, capable d'affronter les turbulences induites par une société en continuel mouvement aspirant au mieux au plan national et évitant le déphasage au plan mondial. Un Etat fort ne réprime pas, en tout état de cause n'étouffe pas un corps de métier qui produit l'intelligence et le savoir. Or, il semble que l'intelligence n'est pas le fort des hauts commis de l'Etat. Quand l'Etat se trouve incapable - par choix ou par indifférence - de pourvoir aux besoins de l'école et de l'université et que les enseignements - qui forment la future élite du pays - ne sont pas considérés à leur juste mesure, il est patent que le diplôme obtenu puisse aboutir à une impasse professionnelle accentuée par une impasse existentielle.