L'élection de 2014 s'annonce très ouverte Ces élections seront importantes car elles pourraient permettre l'accès au pouvoir à quelqu'un qui ne soit pas de la génération qui ait fait la guerre d'indépendance. Personne ne parle plus de quatrième mandat présidentiel. Mais personne ne parle de présidentielle non plus. Pourtant, nous sommes à seulement 10 mois du prochain rendez-vous électoral pour la course vers El Mouradia. Est-ce que cela révèle une certaine perturbation des calculs initiaux des différentes parties concernées qui doivent être en train de chercher, en silence, de nouvelles alternatives? Est-ce que cela dénote, au contraire, une certaine sérénité qui fait suite à un meilleur contrôle de la situation? Quelle que soit la raison qui pourrait être derrière ce soudain silence, aussi bien chez les «appeleurs» au quatrième mandat que chez ces candidats dont certains, semblant trop pressés, ont emprunté un peu trop tôt le chemin du charme pour la conquête des voix de leurs concitoyens, il demeure incompréhensible qu'à quelques encablures du rendez-vous d'avril, rien sur la scène politique ne rappelle cette élection si importante pourtant. Le nombre de candidats ne fait pas la démocratie En effet, à part un lancement de la nouvelle chaîne TV privée qui se souvient d'un Benflis, resté très discret jusque-là, et qui l'invite à y présenter son programme, et à part un Benbitour qui noue des alliances et qui semble bénéficier de quelques soutiens ci et là, nous n'avons rien de concret quant à la liste de départ des candidats. Dans un précédent papier (L'Expression du 01/04/2013), nous avons souligné que l'Algérie pourrait se retrouver avec six ex-chefs de gouvernement sur la ligne de départ pour la course vers le palais d'El Mouradia. Il s'agit de Sid Ahmed Ghozali, Mouloud Hamrouche, Ahmed Benbitour, Ali Benflis, Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem. Depuis que l'absence de Bouteflika a propulsé l'actuel Premier ministre au-devant de la scène, certaines rumeurs prêtent à ce dernier aussi des ambitions présidentielles, arguant surtout sa neutralité politique. Il est encore trop tôt de parler des chances de chacun et nous reviendrons, à l'avenir, sur ce point avec analyse et détails, mais pour l'instant, il est important de souligner que tous ces hommes sont des Algériens, des citoyens qui, chacun à sa manière, ont donné, sans doute, quelque chose au pays. Il ne fait pas de doute que certains parmi eux ne se présenteraient pas, à cause de l'âge, ou jugeant leurs chances trop infimes dès le départ, mais il ne fait pas de doute non plus que nous en aurons qui prendront part à la course. Ces derniers devraient sans doute être occupés à élaborer, chacun, un programme sur lequel ils chercheront à se faire élire. Jusqu'à présent, cela n'a jamais été le cas, c'est certain, et c'est pour cela que notre bateau est parti à la dérive. Mais les choses devraient tout de même changer et elles ont tout de même changé. La construction de la démocratie à notre flanc est en train de se faire, avec peine et dans la douleur certes, mais elle est en train de se faire quand même. Nous ne pourrons pas continuer à parler de démocratie tant que le citoyen demeure sans choix réel lorsqu'il s'agit de donner sa voix. Ce n'est pas le nombre de candidats qui donne le choix, ni l'utilisation des urnes qui fait la démocratie. On peut rassembler le nombre qu'on veut de candidats, mais on restera loin de la démocratie tant que ces derniers n'offrent pas d'alternatives sérieuses qui permettent au citoyen de choisir, en connaissance de cause. On peut planter des urnes à chaque coin de rue, cela ne servira à rien tant que les bulletins qui y sont glissés ne le sont pas sur la base de choix réels et de convictions profondes. Voter sans convictions ou voter pas simple formalité ne donne pas de sens aux élections et c'est, malheureusement, ce qui arrive toujours chez nous et pour la plupart d'entre nous. Nous avons essayé la façade, et nous avons constaté de visu - et de vécu surtout - que cela ne mène nulle part et que cela ne peut mener nulle part. Changement de génération à la tête du pays Les prochaines élections sont, pour le peuple et pour le pays, les plus importantes après celles de 1962. Saurons-nous en profiter pour négocier correctement le virage qui donne sur le développement et la prospérité ou bien continuerons-nous à rater tous les rendez-vous importants de notre histoire? Ces élections seront décisives pour plusieurs raisons. D'abord parce que, tapies à l'ombre de la scène, se tiennent quelques formations qui, encouragées par les succès des islamistes en Egypte, en Libye et en Tunisie, veulent prendre possession du pays. Or, rien ne va dans ces trois pays et rien n'est prêt à bien aller tant que la mauvaise perception du pouvoir est associée à une mauvaise interprétation du religieux, ce qui a toutes les chances de se produire chez nous si ces parties arrivent au pouvoir. Ensuite, les prochaines élections tirent leur importance du fait que, sous la pression de la vague de changements qui secoue le monde, le prochain élu devra tenir compte enfin du citoyen et oeuvrer pour son bien. Par ailleurs, ces élections seront importantes car elles pourraient permettre l'accès au pouvoir à quelqu'un qui ne soit pas de la génération qui ait fait la guerre d'indépendance. En effet, Ben Bella, Boumediene, Chadli, Boudiaf, Kafi, Zeroual et Bouteflika ont tous participé à la révolution armée contre les colonisateurs. Le fait de changer de génération à la tête du pays ne signifie pas une quelconque coupure avec le passé, mais il permettra indiscutablement de changer de paradigme dans la gestion du pays car à chaque génération, ses principes et à chaque génération, sa propre perception du monde. L'écart entre ceux qui dirigent aujourd'hui le pays et la majorité des Algériens est énorme. Que ce soit du point de vue de l'âge (quarante ans en moyenne de différence) ou du point de vue culturel et scientifique. Et il va sans dire que dans ces conditions, la gestion du pays n'est ni facile ni simple. Toutefois, le système d'autopoeïse en place ne devra sans doute pas accepter que les choses changent réellement. Il devra tenter d'adapter ses mécanismes et ses interrelations avec l'environnement sans s'adapter lui-même. Trop enraciné dans le temps et dans les esprits, ce système essaiera par tous les moyens de nous maintenir au lest d'une politique qui a, de l'avis de tous, échoué. C'est pourquoi, et il existe d'autres raisons encore, les échéances électorales de 2014 doivent être très prises au sérieux. Ce qu'il y a lieu de constater cependant, c'est que, à dix mois de ces élections, le pays semble ne pas trop savoir s'il faut parler ou non d'élections alors que les hommes se refusent à afficher leurs intentions. Ailleurs, ce n'est ni un tabou de parler d'élection ni une impolitesse que d'afficher des ambitions présidentielles. Au contraire!