Alors que la viande d'agneau a atteint, hier, sur le marché de gros 1 350 DA, le kg de poulet non vidé s'est vendu, lui, à 240 DA! Chaque fois que l'on assiste à un dérèglement du marché, on pointe aussitôt un doigt accusateur en direction du consommateur. Comme s'ils s'étaient donné le mot, des grossistes n'ont pas hésité, en effet, à imputer aux citoyens la hausse des prix des viandes intervenue ces derniers jours sur le marché. Intervenant à l'occasion de la conférence de presse organisée, hier, par l'Union générale des commerçants et artisans algériens, des grossistes spécialisés dans l'abattage reprochent aux Algériens leur manque de culture. Soulignant que le marché obéit à des règles et que lorsque la demande est supérieure à l'offre, l'équilibre est aussitôt rompu, Mohamed Tahar Ramram des abattoirs du Ruisseau est persuadé que les prix vont encore augmenter d'ici le mois de Ramadhan. «Dans 60% des cas, c'est le consommateur qui est à l'origine de la hausse des prix qui intervient sur le marché», a-t-il affirmé. Selon lui, le trafic transfrontalier n'est qu'un prétexte. «A cause du prix élevé du mouton algérien, les trabendistes n'arrivent plus à trouver preneur. Bien au contraire, ce sont les trafiquants marocains qui s'adonnent à ce commerce juteux, en faisant entrer illégalement, en Algérie, des quantités importantes de moutons», a-t-il confié. Pour El Hadj Tahar Boulenouar, porte-parole officiel de l'Ugcaa, il y a un déséquilibre entre l'offre et la demande en matière de viandes rouge et blanche. «L'Algérie produit annuellement 600.000 tonnes de viandes, alors que ses besoins sont estimés à 1 million de tonnes, soit un déficit de 400.000 tonnes», a-t-il fait savoir. Pour tenter de le combler, le gouvernement a mis en place un vaste programme prévoyant, notamment l'importation de milliers de moutons avant le début du mois de Ramadhan. «C'est là une initiative très louable, à condition que le prix de la viande soit plus abordable et ne dépasse pas les 400 dinars sur le marché», a-t-il mentionné. L'orateur a indiqué que «le consommateur européen mange, en moyenne, 25 à 30 kg de viande par an, contrairement à l'Algérien qui n'en consomme, lui, que 16 kg». M.Boulenouar en veut terriblement aux APC et aux daïras, responsables, selon lui, des hausses répétées sur le marché. «Les APC ne jouent pas le jeu. Au lieu de surveiller le marché et le réguler, les élus préfèrent s'enfermer dans leurs bureaux pour régler des questions d'ordre personnel», a-t-il dit. Prenant la parole à son tour, Idir Saâdi spécialisé dans l'abattage de volaille, a indiqué d'emblée, que la filière n'est pas encadrée et qu'elle gagnerait à être mieux organisée pour assurer son développement. Révélant que le kg de viande de poulet s'est vendu, hier, à 240 dinars sur le marché de gros, il s'interroge pourquoi on continue de vendre du poulet non vidé alors que la réglementation l'interdit. «La réglementation est, on ne peut plus claire, il est interdit de vendre du poulet non vidé. En vérité, c'est parce que des bouchers trichent, en tentant de faire croire aux clients que le poulet prêt à consommer ou vidé est plus cher que celui qui est plein», a-t-il déclaré. Se voulant plus explicite, il a ajouté que le poulet plein est vendu parfois plus cher que le poulet prêt à consommer. Un éleveur a tenté de justifier ces hausses, en invoquant les maladies, particulièrement durant les périodes de chaleur, qui causent de nombreuses pertes, dit-il, et un manque à gagner aux producteurs. Quant à Rafaâ Bezid, membre de l'Organisation nationale des commerçants et artisans algériens, il n'y a pas de liens entre les différents opérateurs qui agissent, à l'en croire, chacun à sa guise. Convaincu que la production de viande peut facilement doubler, voire tripler, il interpelle les pouvoirs publics afin qu'ils s'intéressent aux 920 communes agricoles recensées, qui ne sont pas correctement prises en charge. «Les jeunes de ces communes attendent un geste des responsables pour freiner l'exode rural qui a atteint un seuil alarmant», a-t-il confié. Selon lui, «c'est bien beau de construire des abattoirs aux normes internationales, le problème c'est comment les approvisionner?» Le tout est de savoir, maintenant, comment va réagir le ministère de l'Agriculture et du Développement rural, lui qui a pourtant pr mis que le prix du poulet ne va pas dépasser les 250 dinars le kg.