Il s'agit de l'incident le plus grave au Liban depuis le début du conflit en Syrie, qui divise profondément le pays entre partisans, en majorité chiites, et opposants, en majorité sunnites, du régime syrien. Au moins seize militaires ont péri dans des combats entre l'armée et les partisans d'un cheikh radical sunnite à Saïda dans le sud du Liban, dans un contexte de tensions croissantes liées au conflit en Syrie voisine. Le Liban, secoué depuis deux ans par une série d'incidents parfois meurtriers notamment à sa frontière avec la Syrie, «se trouve devant un test décisif», écrivait hier la presse, évoquant le spectre d'une nouvelle guerre civile après celle qui avait dévasté le pays entre 1975 et 1990. Au centre de ce dernier incident meurtrier, le cheikh Ahmed al-Assir, un parfait inconnu il y a deux ans qui doit sa notoriété à son discours résolument hostile au Hezbollah chiite, engagé aux côtés du régime syrien face aux rebelles, en majorité sunnites. Controversé en raison de sa rhétorique violente et sectaire, il a su jouer sur la frustration des sunnites du Liban qui voient d'un mauvais oeil la puissance armée du Hezbollah, mais sans toutefois recevoir l'appui de la majorité de sa communauté. Il s'en est pris récemment très violemment à l'armée, l'accusant de faire le jeu du parti chiite en restant les bras croisés face à son implication en Syrie. Dimanche, ses partisans ont attaqué un barrage militaire à Abra, en banlieue de Saïda, et des combats s'en sont suivis, faisant au moins 16 morts parmi les militaires selon un nouveau bilan de l'armée. De son côté, une source proche du cheikh Assir a fait état d'au moins cinq morts et 10 blessés parmi ses partisans. «L'armée cerne le dernier carré du QG du cheikh Assir», rapporte l'Agence nationale d'information (ANI), en référence à la mosquée où il dirige la prière et aux immeubles environnants dans lesquelles se sont barricadés le religieux et ses partisans. La télévision LBCI a diffusé des images en direct d'Abra où l'on pouvait entendre des tirs nourris de roquettes. Alors que selon des sources hospitalières, au moins 35 personnes, en majorité des civils, ont été blessées dans les combats, les habitants d'Abra ont lancé un appel aux forces de l'ordre pour les aider à quitter la zone de combat, selon l'ANI. La justice a lancé hier des poursuites contre le cheikh Assir et 123 de ses partisans, dont son frère et un ex-chanteur devenu militant islamiste, Fadl Chaker. «Il y a une décision d'en finir avec nous mais nous résistons jusqu'à maintenant», a affirmé le frère du cheikh, Amjad Assir. «Cheikh Assir restera dans la mosquée Bilal ben Rabah jusqu'à la dernière goutte de sang». Dans un communiqué, l'armée a appelé les partisans du cheikh à se rendre et promis d' «en finir» avec leur leader «jusqu'au retour de la sécurité dans la ville» de Saïda. La veille, elle avait prévenu qu'elle allait «frapper d'une main de fer tous ceux qui ont voulu répandre le sang de l'armée». «L'armée a été visée de sang-froid et dans le but de mettre le feu aux poudres à Saïda (...) et de faire entrer le Liban de nouveau dans un cycle de violences», a-t-elle poursuivi, en référence à la guerre civile de 1975. Paris a dit sa «vive inquiétude», et condamné «les attaques lancées contre les forces armées libanaises». Fatah al-Islam avait combattu l'armée dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr al-Bared (nord) en 2007, faisant plus de 400 morts. L'incident de Saïda fait craindre un dérapage général dans le pays. A Tripoli, la grande ville à majorité sunnite du Nord, plusieurs hommes armés sont apparus dans les rues, ont tiré en l'air et mis le feu à un poste militaire dans le secteur sunnite de Bab el-Tebbané, selon une source de sécurité. Beyrouth prône officiellement une politique de neutralité face au conflit syrien, mais celle-ci est mise à mal notamment depuis la participation du Hezbollah dans les combats en Syrie.