Les morts des combats entre l'armée libanaise et les partisans d'Ahmed Al Assir se comptaient hier par dizaines. L'armée libanaise attaquée, par ces intégristes, n'allait certainement pas faire profil bas. La violence de la riposte a certainement surpris les assaillants. La riposte ne s'est pas limitée aux opérations militaires. La justice libanaise a lancé, hier, 123 mandats d'arrêts contre de nombreuses têtes de proues du mouvement, notamment Ahmed Al Assir et son frère Amjad et le chanteur libanais Fadl Chaker qui a rallié récemment le mouvement. Malgré la violence des combats, l'armée libanaise s'est déclarée décidée à poursuivre les combats jusqu'à l'éradication du cheikh et ses partisans. Les tentatives de desserrer l'étau sur les assiégés du carré du complexe religieux Bilal Ben Rabah se sont multipliées. Les fusillades du marché de Saïda, celles de Tripoli et les boucliers humains de Abra n'ont pas décidé l'armée à opérer un retrait. Les sources sécuritaires libanaises ont évoqué hier, un grand nombre de morts parmi les fondamentalistes, notamment Abderrahmane Chamandar, le chef militaire du Cheikh. Devant cette large offensive, le fondamentaliste assiégé avec ses partisans, a fait appel aux autres groupes islamistes affirmant qu'Abra était un autre Qousseir. Aux côtés des partisans d'Al Assir, les journaux libanais parlent de l'implication du groupe islamiste libanais (Al jamaâ al islmaïa) et ceux du Courant du Futur dirigé par l'ancien Premier ministre Fouad Seniora. Ces derniers voulaient couper les voies vers le sud et empêcher les renforts de l'armée d'arriver à Abra. D'autres diversions sont intervenues dans d'autres villes et dans la capitale Beyrouth. Ce qui renforçait les assertions de ceux qui disaient que tout a été planifié préalablement. Intransigeant, l'Etat-major de l'armée, convaincu par la dangerosité de cette escalade, a vite tracé les frontières. Ceux qui ne sont pas avec l'armée sont contre elle. Les tentatives d'embraser le camp de Aïn Héloué sont restés limitées. Jound el-Cham et Fatah al-Islam, deux autres groupes extrémistes se sont engagés dans des heurts avec le barrage de l'armée posté à l'extérieur. C'est dire qu'il suffit d'un rien pour mettre le feu aux poudres libanaises. La neutralité prônée jusque-là par l'armée du Liban a été mise à mal par l'offensive contre ses soldats à Saïda. Si les tentatives à répétition d'entraîner le Hezbollah dans une confrontation entre sunnites et chiites au Liban, l'attaque contre l'armée révèle le vrai visage du conflit qui se déroule en Syrie. Si les combattants du Hezbollah ont su garder leur calme et leur discipline, ce n'est pas le cas des partisans du salafisme wahabite. Il y a quelques jours, le président libanais, Michel Sleimane, demandait au Hezbollah de mettre fin à sa participation aux combats en Syrie, estimant que cette implication provoque des tensions au Liban. Hier, l'ancien président, Emile Lahoud, a affirmé que la politique de neutralité alors que les combattants et les armes traversaient les frontières était inefficace. Quand les intérêts du Liban sont en jeux on ne peut observer aucune neutralité. L'ancien Premier ministre libanais, Fouad Siniora, membre de la coalition d'opposition du 14 mars, a mis en garde contre le risque d'un «effondrement de l'Etat». «Le Hezbollah est au service de la Syrie et de l'Iran, au détriment des Libanais», a déclaré Fouad Siniora en appelant le président Sleimane à prendre l'initiative «pour donner de l'espoir aux Libanais». Aujourd'hui ce sont ses militants qui jettent de l'huile sur le feu. Non pas pour assister l'armée attaquée mais pour soutenir ses assaillants. L'implication directe de Ahmed Hariri, neveu de feu Rafik Hariri dans l'attaque sur le barrage de l'armée à Abra n'arrange en rien la situation. Le Hezbollah, qui reste prudent, même si son chef, Hassan Nasrallah, a affirmé que sa formation resterait impliquée dans le conflit en Syrie. Le parti de résistance libanaise a toujours averti contre l'escalade des djihadistes au Liban. Refusant le clivage chiite sunnite qu'on veut lui imposer, il observe non sans une certaine inquiétude les incursions de ces hommes armés dans de nombreuses villes libanaises. Aussi, par crainte de se voir accuser de nourrir la fitna, le Hezbollah se tient à l'écart de cette escalade. Damas, allié stratégique avec le Hezbollah, a appelé l'armée libanaise à donner une vraie leçon aux terroristes. Les médias libanais reprochent au pouvoir libanais son laxisme qui a permis aux djihadistes de prendre du poil de la bête. Les attaques de Saïda permettront-ils à l'Etat d'asseoir son pouvoir et avoir de la poigne ? Les Libanais que l'on veut entraîner sur la pente glissante du conflit confessionnel, se doivent plus que jamais d'être prudents. La guerre civile de 1975 est née d'un incident plus banal…toujours à Saïda. M. S.