Le Liban inaugurera-t-il la série des pays arabes condamnés à subir les contrecoups de la crise syrienne ? Après la guerre déclarée entre sunnites et chiites à Tripoli, la grande ville du nord, c'est au tour de Saïda, la ville portuaire du sud, d'être le théâtre de violents combats entre l'armée régulière du pays du Cèdre et les partisans de cheïkh salafiste Al Assir, un sunnite radical hostile au gouvernement syrien et au Hezbollah libanais. Bilan de ces combats qui ont éclaté dimanche après une attaque contre un barrage de l'armée par des fidèles du cheïkh : 21 morts, dont 16 soldats libanais, et 60 blessés, dont 50 civils. Certains médias font fait état d'un bilan plus lourd : 17 morts et de 65 blessés dans les rangs de l'armée et 35 salafistes tués. Politiques et analystes évoquent, après ces violences qui ont rallumé des foyers de tension à Tripoli et à Beyrouth, le spectre d'une guerre civile, la seconde après celle qui a dévasté le pays entre 1975 et 1990. L'armée, qui a ignoré pendant des mois les appels des politiques à en finir avec les violences et à éloigner le pays des évènements en Syrie, sort de son mutisme. Elle promet de frapper « d'une main de fer » ceux qui veulent « répandre le sang de l'armée ». Elle annonce qu'elle « écrasera la dissension » à Saïda et ailleurs. « Ces violences ont dépassé tout ce qu'on pouvait imaginer », indique-t-elle dans un communiqué. Elle soupçonne ceux qui ont visé à Saïda ses éléments de « sang froid », de vouloir faire entrer le Liban dans un cycle de violences. Et peut-être de « mettre le feu aux poudres » à Aïn Héloué, le plus grand des camps de réfugiés palestiniens au Liban. Selon l'agence nationale d'information libanaise ANI, Joun el-Cham et Fatah al-Islam, deux groupes de ce camp, se sont engagés dans des heurts avec l'armée. Face à ces tensions, le président libanais, Michel Sleïmane, décide, à l'issue d'une « réunion d'urgence » qu'il a présidée au palais républicain, de demander à la justice d'engager des « poursuites contre cheikh Al-Assir et 123 de ses partisans ». Ce cheikh, qui a affirmé à plusieurs reprises que le mouvement chiite utilisait des appartements à Abra (une banlieue de Saïda) pour cacher des armes et des combattants, refuse de se laisser faire. La Jamaâ islamiya qui l'appuie aussi. Elle estime, dans un communiqué qu'elle a rendu public, hier, que l'Etat est devenu l'otage du Hezbollah. « Nous exigeons que les appartements occupés à Abra, par des hommes armés, soient évacués (...) », indique la Jamaâ Islamiya, exhortant les militaires sunnites à déserter et les citoyens à « voler à leur secours » car « il y a une décision d'en finir avec nous ». La Coalition du 14 Mars apporte son soutien « total » à l'armée. Damas demande à Beyrouth de « donner une leçon à ces terroristes ». A Tripoli, théâtre des premiers débordements du conflit syrien, des hommes masqués et armés ont coupé la circulation sur les grands axes routiers pour exprimer leur solidarité au cheikh Assir. A Tarik Jdideh, un quartier sunnite de Beyrouth, des hommes armés se sont déployés, hier après-midi. Le Liban retient son souffle.