L'auteur du célèbre roman vaporeux, poétique, mais dramatique, Les Amants de Padovani, était récemment au Féliv pour la vente-dédicace de son nouveau-né édité chez la nouvelle, mais néanmoins dynamique maison d'édition El Ibriz. Rencontre... L'Expression: M.Youcef Dris vous revenez là avec un nouveau livre qui a pour titre Le Combat des justes. C'est un essai? Youcef Dris: En réalité, c'est un hommage que je voulais faire aux Français qui ont participé à la Guerre d'Algérie dans les rangs du FLN. Pour ne pas qu'on les oublie. Beaucoup d'entre eux sont morts, d'autres ont disparu. D'autres encore sont tombés dans l'anonymat. Ces gens-là sont venus pour une cause précise, pas pour une attestation quelconque. Compte tenu du fait que de l'autre côté on met en exergue et on fait mousser tout ceux qui ont été collaborateurs de la France, je me suis dit, que de notre côté, il ne faut pas qu'on les oublie. Ces gens nous ont rendu énormément de services au détriment de leur situation et intégrité physique. C'est pour cela que j'ai tenu à les mettre à l'honneur et à la disposition des gens qui ignorent ce pan de l'histoire. Je suis étonné, quand je parle avec les jeunes Algériens, d'apprendre qu'ils ne savent pas du tout qu'il y avait des Français qui avaient participé à la Guerre d'Algérie en prenant position pour l'indépendance de notre pays. Certains ne connaissent de Maurice Audin que le nom d'une place. Donc, ces gens-là ont sacrifié leur vie pour notre cause contre leurs propres congénères. Ce n'est pas votre premier livre qui s'intéresse à l'histoire. Pas plus tard, il y a deux jours, un écrivain libanais, ici au Féliv, disait qu'il y a deux sortes d'écrivains, l'un travaille sur la langue et l'autre sur la mémoire et vous, il me semble que vous appartenez à la seconde catégorie... C'est bien dit. Oui, moi je suis très impliqué. Personnellement, j'ai vécu cette période. J'avais dix ans quand la guerre a éclaté. J'ai vécu les manifestations à l'époque où j'étais lycéen. On a été tabassés. On a connu un véritable apartheid, parce que nous étions considérés comme une quantité négligeable, juste bonne pour des devoirs seulement et aucun droit. On a vu nos parents souffrir et nos cousins partir au maquis et mourir. On se doit de rappeler tout ça pour qu'on n'oublie pas tout ce qu'on a sacrifié, tout ce que les Algériens ont sacrifié pour arriver à l'indépendance de l'Algérie. D'ailleurs, Les Amants de Padovani raconte cette histoire de différence entre Algériens et Français d'Algérie. Toutes ces distorsions, ces malheurs qui ont été provoqués, je ne parle pas des enfumades et des déportations, mais il ne faudrait pas qu'on oublie tout ce que nous avons enduré pendant 132 ans quand même.. Parlons justement de ce roman, Les Amants de Padovani. Comment l'avez-vous conçu? Un roman qui est tiré d'ailleurs de faits réels.. En réalité, c'est partie d'une histoire vraie par ce que ma grand-mère qui est une des actrices de ce roman, travaillait comme femme de ménage chez une famille française. J'avais retrouvé des daguerréotypes, les ancêtres de la photographie, des photos en plaqué en verre, à l'époque, il n'y avait pas encore le papier. Et ces daguerréotypes représentaient un peu le parcours de cette famille, comment elle s'est installée en Algérie, elle partait en vacances, comment les enfants ont grandi. A partir de ces daguerréotypes, j'ai créé cette histoire. Il y a un peu de vrai. Ce n'est pas que de la fiction. Il y a beaucoup de vrai dans cette histoire. Il s'agit donc, d'une part, de l'histoire de ma famille. Le héros étant mon demi-frère que Dieu ait son âme. A partir de là, je n'ai eu aucune difficulté à retracer le parcours de ces deux amants qui se vouaient un amour impossible et qui a créé tellement de problèmes dans les deux familles compte tenu des tabous. Les Amants de Padovani a vu le jour en 2004.. Alors, question à laquelle on ne peut y échapper: qu'avez-vous pensé de la polémique concernant Yasmina Khadra et son supposé plagiat de votre livre? Vous savez, je n'ai pas voulu rentrer dans la polémique. Beaucoup ont lu le livre et ont fait le rapprochement. Moi j'ai dit que c'était plutôt de l'intertextualité. Il y a suffisamment de ressemblance, en effet pour que cela suscite l'intérêt de certains polémistes et certains critiques littéraires effectivement. On a vu sur le Net comment les gens ont réagi et décortiqué nos deux romans. C'est vrai qu'il y a des ressemblances. Je ne peux pas dire que c'est du plagiat, car ce dernier consiste à prendre systématiquement les mêmes phrases ou les mêmes chapitres, moi j'aurai dit que c'est de l'intertextualité. J'ai écrit sur la mer, sur la plage, Camus aussi. Cela ne veut pas dire que j'ai plagié Camus. Et puis, en réalité, moi j'ai cédé mes droits à ma maison d'édition, c'est elle qui est censé s'intéresser à cette histoire et l'éditeur a jugé utile de ne pas se lancer dans cette polémique pour des raisons qui le concernent... Dernière question. Ce roman sera adapté donc au grand écran par le réalisateur Mohammed Soudani. Un mot là-dessus? C'est ça, en principe le sujet est prêt, même au niveau du ministère de la Culture, nous avons eu le Fdatic. Le producteur étant Hadj Fitas qui réside à Oran, c'est lui qui pilote le projet. Moi j'ai réécrit l'histoire en la transposant à une autre période, car l'histoire se passe dans les années 1930 et pour des raisons évidentes, pour que cela cadre avec le Cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, j'ai dû réécrire toute l'histoire qui n'a presque rien à voir avec Les Amants de Padovani. Il n'y a que les héros qui restent, en réalité. J'ai travaillé longtemps sur le scénario. J'ai y ai passé presque une année à écrire et réécrire avec les conseils du producteur et le réalisateur, avec leur intervention sur le texte. Normalement, le tour de manivelle aura lieu incessamment.