Histoire bouleversante d'une idylle qui se transforma en cauchemar à l'époque des années 30... Quelle tragique histoire que ce roman qui n'en est pas un en vérité ! Comme c'est affreux, lorsqu'on y pénètre on ne peut croire que ce drame a bien existé et pourtant les faits sont bien réels ! La fiction, à côté, apparaît au second plan. Sorti cette année aux Editions Dalimen, le premier roman de Youcef Dris, Les amants de Padovani est remuant à plus d'un titre. Quand une idylle se transforme en cauchemar, c'est que cet amour est banni, à plus forte raison maudit ! Et quand les amoureux s'appellent Amélie et Dahmane à l'époque des années 30, cet amour ne peut que tourner au drame sentimental. Conçu comme un blasphème, il est réprimé, condamné et honni par tous. Et dire que cette histoire, transposée à notre époque, serait passée inaperçue, elle aurait été tout simplement banale. Si le destin avait réuni les deux jeunes amants à une autre époque... Malheureusement, la mort aura raison de cet amour, de cette passion qui brûlera aux enfers nos jeunes tourtereaux. En effet, à la période coloniale, il était interdit aux indigènes et aux Français de se mélanger ou de se fréquenter. Ces deux personnes, fortes de leur amour ont transgressé cette loi ségrégative et ont reçu le grand châtiment en contrepartie. Dahmane vivait avec sa grand-mère Fatma qui travaillait chez un avocat, Démontes, celui-ci avait quatre filles dont la plus jeune s'appelait Amélie. Cette dernière s'était grandement attachée au jeune garçon protecteur. Avec le temps, ce qui n'était qu'un simple sentiment fraternel s'est transformé en amour grandissant pour cette fille qui partie avec lui à Saint Raphaël en France, pour voir ses grands-parents, est tombée amoureuse de ce jeune devenu bel homme à la fière allure. C'est ici que les deux amoureux se prirent en affection l'un pour l'autre et vécurent les plus beaux moments de leur vie. Et le «péché» arriva. Jusque-là rose, le ciel va tomber sur la tête de Dahmane qui se verra accusé de vol et d'homicide volontaire, puis envoyé au bagne de Cayenne. Sa grand-mère mourut de chagrin tandis qu'Amélie mourut en mettant au monde un garçon dont Dhamane ne connaîtra l'existence que bien plus tard, sur son lit de mort à l'hôpital à Paris où il est parti se faire opérer à la suite de blessures aux dos, des séquelles qu'il traînera toute sa vie après son enrôlement dans l'armée française dans les années 40... Ce garçon que la cousine d'Amélie, Régine, a bien tû l'existence. Notons que celle-ci se suicidera, car ne pouvant supporter le poids du secret tout comme le père d'Amélie, qui fera accuser à torts Dahmane et l'enverra en prison. La soeur d'Amélie, Christine quant à elle, qui était mariée à un homme hostile aux Arabes, finira dans un asile psychiatrique après la mort de son mari dans un accident du travail...Comment ne pouvons-nous pas s'étonner devant l'ampleur étrange de tous ces malheurs qui se sont abattus sur les deux familles? Comment un sentiment si noble a pu provoquer autant de catastrophes et de déchirures humaines? Les amants Padovani soulève le coeur par tant de «poisse» d'impuissance et de gâchis. Dahmane passera sa jeunesse en prison et son fils refusera de reconnaître «la vérité». Très amère à ses yeux. Que c'est triste et révoltant. S'il retrace la vie désastreuse de deux individus, voire de deux familles, ce roman est un témoignage amplement éloquent sur «les rapports sociaux qu'avait instauré le colonialisme». Le roman «rend bien compte d'une période de l'histoire de l'Algérie que, avec le recul du temps et la dédramatisation qu'il entraîne, on a tendance aujourd'hui à «aseptiser». Aussi, ce roman a le mérite de nous rappeler son «âcre» et profonde vérité dont certains voudraient ou ont voulu taire... Né à Tizi Ouzou le 25 octobre 1945, Youcef Dris a fait ses premiers pas dans la littérature en 1972 en publiant des nouvelles dans les pages culturelles d'El Moudjahid, à l'époque seul quotidien national de langue française. Directeur de publication de l'hebdomadaire oranais Côte Ouest et auteur de dossiers de société et d'articles politiques et sociaux dans de nombreuses publications. Il a dirigé pendant deux ans Hebdo Rama, un périodique culturel. En 1993, Youcef Dris a publié un recueil de poèmes intitulé Grisailles. Enfin, note l'éditeur, l'histoire de Les amants de Padovani «repose sur des événements bien réels dont l'auteur a pu prendre connaissance par le plus grand des hasards à travers une série de photographies d'époque». Quelques-unes d'entre elles sont publiées en effet dans le roman.