Les Egyptiens retiennent leur souffle alors que les partisans du président Morsi et ses opposants se préparent, aujourd'hui, à un face-à-face qui risque de devenir dramatique. Ce 30 juin a de fortes chances de constituer le tournant dans l'évolution future de l'Egypte. Depuis la chute de Hosni Moubarak - après dix-huit jours de protesta populaire - l'Egypte n'a jamais été aussi proche d'un nouveau clash dont, cette fois-ci, les responsables en sont les Frères musulmans et le président islamiste Mohamed Morsi, singulièrement, qui n'ont pas su - sans doute voulu - fédérer les efforts avec toutes les tendances politiques qui traversent le pays des pharaons. Or, face à la montée des tensions et des incertitudes - qui peuvent à tout moment déboucher sur des affrontements directs entre pro et anti-Morsi - le président islamiste, ne semble plus détenir les atouts que son élection à la magistrature suprême de l'Egypte lui avait conférés, qu'il a inconsidérément dilapidés en une année de règne. Loin d'avoir été un rassembleur - l'Egypte, pays musulman, certes, est dotée d'une forte population (entre 6% et 10%) copte (chrétiens) - Morsi a surtout tenté d'islamiser les institutions du pays en commençant par faire adopter une loi fondamentale controversée, phagocytant par des islamistes les principales institutions de l'Etat. En fait, malgré le fort soutien que lui accordent les islamistes égyptiens de toute obédience, Mohamed Morsi a perdu la confiance des Egyptiens d'une manière générale et de ses franges laïque et chrétienne en particulier. En effet M.Morsi et son régime islamiste ne sont plus en odeur de sainteté parmi la grande majorité des Egyptiens qui demandent son départ. Comment M.Morsi s'est-il arrangé pour parvenir à ce résultat négatif en si peu de temps, alors que les islamistes - qui avaient pris le train de la révolution en marche - avaient l'unique chance de faire valoir leur foi dans la société égyptienne - avec toutes ses composantes humaine et religieuse - comme de réaliser ce que son Hosni Moubarak et son régime ont été dans l'incapacité de faire. Or, après une année à la tête de l'Etat, deux ans et demi après la Révolution de janvier-février 2011, l'Egypte se retrouve à la case départ et au bord du gouffre de la guerre civile. Morsi aura surtout réussi, en un temps très court, à diviser profondément l'Egypte avec au final deux blocs aussi hermétiques que déterminés l'un que l'autre En fait, en un laps de temps très court les islamistes auront fait tout faux. S'estimant en territoire conquis, les islamistes n'ont ni su ni n'étaient prêts à écouter le peuple égyptien lorsqu'il a clamé: basta! Comment vouloir imposer la chari'â à un pays qui compte de 8 à 15 millions de chrétiens? Mais pas que les Coptes. Il y a aussi ces millions de laïcs égyptiens qui refusent l'idéologie islamiste que Morsi et les Frères musulmans veulent imposer à tous. Aussi, la question se pose, les dirigeants islamistes égyptiens ont-ils tiré les leçons du Soudan dont les maladresses et les outrecuidances de ses gouvernants ont mené ce pays à la partition? Au regard du cours que prennent les événements, il est loisible d'en déduire que Morsi a suivi l'exemple du Soudanais El Bechir, avec le résultat calamiteux pour le Soudan, quand le peuple égyptien s'attendait à ce qu'il se réfère plutôt au Turc Erdogan, qui fit de la Turquie une puissance économique. Aujourd'hui, non seulement l'Egypte est en banqueroute économique et financière, elle est aussi au bord de la fitna tant redoutée. En fait, le pays des Pharaons se trouve sur un volcan qui peut exploser à tout moment. Dans cette affaire, la lucidité face aux événements, a fait défaut à Morsi et aux responsables des Frères musulmans, convaincus de leur droit, qui feignent de ne pas entendre ou comprendre les bruits de fureur du peuple. En fait, les Frères musulmans font une lecture biaisée de la Révolution, qu'ils disent «vouloir défendre» alors qu'ils l'ont surtout confisquée au peuple qui l'a initié. Où sont-ils ceux qui ont été les véritables mentors de la Révolution? aujourd'hui, soit en prison, soit pourchassés par le pouvoir de Morsi. Outre les manipulations par les islamistes des institutions c'est encore cette façon d'avoir écarté ceux qui ont fait chuter Moubarak, qui a été la goutte qui a fait déborder le vase. En fait, les nouveaux maîtres de l'Egypte tentent de verrouiller tous les espaces ne laissant aucune alternative à d'autres forces politiques autrement qu'islamistes ou, à la rigueur, conservatrices. Avec des retombées qui pourraient être dévastatrices pour l'Egypte.