Alors que l'Egypte vit des moments historiques, Al Jazeera qui avait comme devise l'opinion et son contraire, ne souhaite pas mettre le maximum sur la révolte anti-Morsi. La télévision qatarie se contente de montrer les foules, équivalentes, entre partisans et opposants. Pas d'interviews de manifestants, pas de commentaires enflammés. En effet, la chaîne tente d'équilibrer ses positions et, pour cette raison, ne commente que parcimonieusement les péripéties actuelles. Tout en montrant les manifestations d'opposants, la chaîne ne manque jamais de souligner les contre-manifestations, en leur donnant le même traitement. Comme si la chaîne tournait le dos à ce qui se passe en Egypte en attendant que passe la tempête. Au même moment, elle poursuit sa couverture martiale et générale des événements en Syrie, en adoptant un profil bas en ce qui concerne l'actualité égyptienne. Par ailleurs, le site web de la chaîne propose un sondage sur cette nouvelle-révolution. Les spectateurs sont invités à répondre à la question: «Pensez-vous que les manifestations actuelles en Egypte sont une tentative de coup d'Etat visant la transition démocratique?» Et ils ont été 82% à répondre «oui». Cri du coeur ou de la raison? Il est clair que la rédaction d'Al Jazeera semble bien embarrassée par ce qui se passe en Egypte. Au point où l'un des commentateurs disait hier: «Les foules massives ont surpris même l'opposition.» Al Jazeera qui avait presque raté la révolution tunisienne avait mis le paquet sur la révolution arabe en Egypte, au point de lancer une version égyptienne d'Al Jazeera: (JSC Misr). Mais le traitement est faussé et les Egyptiens qui avaient longtemps cru dans la télévision panarabe se sont finalement retournés vers les télévisions d'Etat égyptiennes devenues plus libres et plus ouvertes. A cela s'ajoutent les chaînes privées à leur tête ON TV, qui appartenait à Naguib Sawaris avant d'être rachetée par Tarek Ben Ammar. Les Egyptiens et même une grande partie du Monde arabe ne croient plus dans le message d'Al Jazeera, malgré les messages de bonne intention et les clins d'oeil envoyés de temps en temps. On dirait que la roue tourne pour Al Jazeera dont l'alignement sur une certaine idée du printemps arabe est devenu raté, voire faux. Quoi qu'il en soit, un vent de changement risque de toucher la célèbre télévision qatarie puisque son directeur général vient de démissionner. Ahmed Ben Djassim al Thani a quitté ses fonctions ce mercredi pour siéger dans le nouveau gouvernement qatari et c'est un Algérien, le Dr Mustapha Souag, qui a été nommé directeur général par intérim du groupe de télévision qatari Al Jazeera. Le Dr Souag, qui est un pur produit de la maison, après des passages aux chaînes BBC et MBC, avait été nommé directeur d'Al-Jazeera arabophone, après y avoir occupé le poste de directeur de l'information. Il a été auparavant directeur du centre d'études Al-Jazeera. [email protected]