Triste anniversaire pour les Frères musulmans Comme pour la révolution du 25 janvier, c'est le peuple - dont le nombre de manifestants a été estimé à plusieurs millions par l'armée - qui est sorti dimanche au Caire et partout dans les provinces égyptiennes. «Comme nous avons fait chuter Mouba-rak après 31 ans de pouvoir, nous pouvons faire partir Morsi, après une année de Présidence», cette déclaration a été faite par un manifestant de la place Tahrir, qui s'est volontairement joint aux 18 millions de manifestants qui, dans les quatre coins du pays, ont demandé le départ du président Mohamed Morsi. Comme pour la révolution du 25 janvier, c'est le peuple dans toute sa composante qui est sorti en masse sur les grands boulevards du Grand-Caire pour exiger le départ du président élu issu du mouvement des Frères musulmans. Des islamistes ont essayé d'affronter la pression de la rue, mais leur faible rassemblement (seulement 25.000 manifestants selon les estimations de l'armée) les a contraints à faire marche arrière. «Al Akhouane» n'ont pas pu faire face à la contestation populaire qui s'est généralisée dans les autres villes d'Egypte jusqu'à devenir un mouvement de protestation national d'une envergure jamais égalée en Egypte. A l'origine de cette nouvelle révolution, le mouvement Tamarrud. Un mouvement indépendant composé essentiellement de jeunes issus de toutes les classes du pays (riches, pauvres, modestes, fonctionnaires, fellahs, étudiants, artistes, intellectuels... - ceux-là même qui, déjà, avaient donné le départ de la révolte contre Moubarak -) qui a été très vite suivi par de nombreuses personnalités et des mouvements de l'opposition classique, laïque, libérale ou de gauche et collecter plus de 22 millions de signatures pour une présidentielle anticipée, soit plus que le nombre d'électeurs de M.Morsi en juin 2012 (13,23 millions). C'est ce mouvement instantané, «apolitique» qui n'aspire qu'à une vie meilleure, qui a osé donner un ultimatum à Mohamed Morsi pour quitter le pouvoir avant le 2 juillet (aujourd'hui) à 17 heures et permettre aux institutions étatiques de préparer une élection présidentielle anticipée. En cas de refus, le mouvement a appelé à une campagne de désobéissance civile totale, tout en appelant l'armée, la police et l'appareil judiciaire à se positionner clairement du côté de la volonté populaire représentée par le peuple. Ce mouvement populaire qui a acquis une puissance politique a même osé rejeter l'appel au dialogue lancé le même jour par le président Morsi indiquant qu'il était impossible d'accepter les demi-mesures et qu'il n'y a pas d'autre alternative que la fin pacifique du pouvoir des Frères musulmans et de leur représentant, Mohamed Morsi. Sur le terrain et dans les coulisses d'Itihadia (Palais présidentiel), le président égyptien est politiquement défait, puisque aucun mouvement islamiste ne s'est affiché pour lui apporter son soutien. Même la grande institution islamique Al Azhar, principale autorité sunnite, s'est mise aux côtés des manifestants, exprimant son inquiétude face à la présence d'hommes armés dans les manifestations «pacifiques» qui secouent le pays pour réclamer la démission du président Morsi. Cette fin politique proche de Morsi a profité à ses adversaires au Caire, parmi eux les plus cotés Hamdeen Sabahi, un nassérien socialiste, candidat de la gauche nationaliste, qui est arrivé en troisième position lors de la présidentielle de 2012. Le deuxième homme politique qui pourrait profiter de cette rechute du pouvoir en Egypte, est l'ancien prix Nobel de la paix, Mohamed El Baradei, du Hizb Doustour, qui constitue l'un des pôles importants de l'opposition en Egypte. Mais également Al-Sayyid al-Badawi du Hizb el Wafd El Djadid, qui regroupe aussi bien les chrétiens que les musulmans d'Egypte. Et enfin, Amr Moussa, l'ancien ministre des Affaires étrangères sous Moubarak et ex-candidat à la présidentielle égyptienne, qui avait lancé sa formation politique Hizb Mouna et compte apporter sa pierre à l'édifice de la pyramide de l'opposition égyptienne. Même Ahmed Chafik, l'ex candidat malheureux (proche de Moubarak) est prêt à revenir de son exil pour participer au pouvoir. Mais la véritable force politique au pays des Pyramides c'est l'armée, la seule garante des institutions démocratiques, qui est venue mettre le holà à cette situation unique. Dans un premier temps, le général Abdel Fattah al-Sissi, ministre de la Défense et chef de l'armée, avait prévenu il y a une semaine que les militaires pourraient intervenir en cas de troubles graves menaçant la stabilité du pays. Mais suite à la montée en puissance du mouvement populaire, le général Abdel Fattah al-Sissi, était contraint d'intervenir à la dernière minute pour se positionner aux côtés du mouvement populaire et avertir que si les revendications du peuple n'étaient pas satisfaites dans les prochaines 48 heures, elle interviendrait pour ramener la paix et la stabilité. Une annonce qui a été accueillie par une explosion de joie des manifestants anti-Morsi à la place Tahrir, en scandant: «Morsi n'est plus notre président, Sissi avec nous.» Une déclaration qui scelle définitivement lavenir du président élu du mouvement des Frères musulmans en Egypte.