Tension - Deux personnes, dont un Américain, ont été tuées lors de violents heurts hier, vendredi, à Alexandrie, entre partisans et opposants du Président Mohamed Morsi à l'occasion de manifestations rivales qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes à travers le pays. Un an après la prise de fonctions de M. Morsi, premier président islamiste et civil d'Egypte, ces rassemblements rivaux témoignent des divisions croissantes dans le pays et les accrochages font craindre une propagation des troubles. Les Frères musulmans, la confrérie dont est issu M. Morsi, ont averti l'opposition qu'ils ne permettraient pas un «coup d'Etat» contre le président, à deux jours d'une protestation massive attendue demain dimanche pour réclamer une présidentielle anticipée. Malgré le déploiement policier et de l'armée pour protéger les installations vitales, de violents heurts ont éclaté entre pro et anti-Morsi à Alexandrie, deuxième ville du pays, où un Egyptien et un Américain ont été tués, selon des médias officiels et des sources médicales. Des sources au ministère de la Santé et de sécurité ont affirmé que l'Américain, qui n'a pas encore été identifié, avait été poignardé. Mais une source médicale a dit qu'il avait été tué par des «tirs à la chevrotine». Ces deux décès portent à six le nombre de personnes tuées depuis mercredi lors des violences dans le pays. Des heurts entre pro et anti-Morsi ont également éclaté en soirée dans les provinces de Daqahliya et Beheira, dans le delta du Nil (nord), selon des responsables qui ont fait état de 130 blessés à travers le pays. Les locaux du siège du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), vitrine politique des Frères musulmans, ont été en outre incendiés à Alexandrie, de même qu'à Aga, dans la province de Daqahliya. Des milliers de manifestants anti-Morsi défilaient sous des drapeaux égyptiens au cri de «Dégage», sur l'emblématique place Tahrir du Caire, ainsi que dans le delta du Nil et à Port-Saïd, sur le canal de Suez. L'opposition et le mouvement populaire Tamarrod (rébellion, en arabe) ont appelé à manifester demain dimanche pour demander le départ de M. Morsi. Tamarrod a dit avoir réuni 15 millions de signatures pour une présidentielle anticipée. Dans l'autre camp, et à l'appel des mouvements islamistes, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblés devant la mosquée Rabaa al-Adawiya de Nasr City, un faubourg du Caire et ont promis d'y rester pour défendre «la légitimité (de l'élection de M. Morsi)» qui est «une ligne rouge». «Nous ne permettrons pas un coup d'Etat contre le président», a déclaré devant la foule Mohamed al-Beltagui, un dirigeant des Frères musulmans. Mercredi, M. Morsi a appelé à la réforme et au dialogue, tout en prévenant que les divisions risquaient de précipiter le pays dans le «chaos». L'opposition a rejeté son appel au dialogue, jugeant que M. Morsi aurait mieux fait de «reconnaître son échec à administrer les affaires du pays». Les raisons d'un divorce Les détracteurs de M. Morsi l'accusent d'accaparer le pouvoir, de ne pas s'atteler aux revendications démocratiques qui avaient déclenché la révolte de 2011 et de ne pas chercher une solution à une situation économique marquée par le chômage et l'inflation croissants. Les pro-Morsi mettent, eux, en avant, son statut de premier président élu démocratiquement en Egypte et arguent que les difficultés économiques et tensions religieuses affectaient déjà le pays avant son arrivée au pouvoir. Ils affirment aussi qu'il épure les institutions corrompues. Face aux tensions croissantes, le ministre de la Défense, Abdel Fattah Al-Sissi, a prévenu il y a quelques jours que l'armée interviendrait en cas de violences. L'armée avait pris les rênes de l'exécutif à l'issue de la révolte de janvier / février 2011, qui avait chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak, et jusqu'à la prise de fonctions de M. Morsi.