Tout se passe comme si le retour de la Libye sur la scène internationale ne peut se faire que sur le dos de notre pays. Quand Mouamar El Kadhafi nargue l'Algérie, le président Bouteflika se plie à ses quatre volontés. Par deux fois déjà, le leader libyen avait infligé une gifle diplomatique à l'Algérie, traînant dans la boue toute notre politique des affaires étrangères, et ne s'excusant même pas de ne pas faire le déplacement à Alger pour assister au sommet de l'UMA, une première fois reporté, une deuxième fois carrément annulé. En passant le relais de la présidence de l'Union du Maghreb arabe à la Djamahiria. Mais aujourd'hui, le président Abdelaziz Bouteflika accepte de rehausser le prestige du leader libyen en lui permettant d'organiser un sommet extraordinaire de l'Union africaine, qui se tient aujourd'hui et demain à Syrte, en Libye. Cette rencontre aura certes à traiter des thèmes très importants pour l'avenir du continent, comme la politique de défense commune et de sécurité, ainsi que le partage de l'eau et l 'exploitation concertée des lacs, fleuves et bassins communs à plusieurs. Pour le premier thème, c'est vrai qu'il est crucial pour l'Afrique de prendre elle-même en charge ses problèmes de défense et de sécurité, pour éviter à l'avenir des tragédies et des génocides de l'ampleur de ceux du Rwanda. De même qu'il est urgent de permettre à la majorité des Africains d'avoir accès à l'eau potable d'une manière suffisante et équitable, mais il n'est vraiment pas nécessaire que notre pays soit représenté par le président de la République, vis-à-vis de qui le leader libyen a des comptes à rendre pour son inélégante participation à l'échec des deux sommets de l'UMA, à l'organisation des quels l'Algérie avait consenti de grands efforts. Puisque M.Messahel, ministre délégué en charge des Affaires maghrébines et africaines se trouve déjà à Syrte où il préside la délégation algérienne aux travaux de la réunion du Conseil exécutif préparatoire, il aurait été tout aussi judicieux de nous faire représenter au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine, soit par le ministre des Affaires étrangères, soit même par le chef du gouvernement. C'est-à-dire que sans déroger à nos obligations dans la construction des structures de l'Union africaine, l'Algérie aurait sauvé les apparences et n'aurait pas accepté un autre camouflet venant de la part de Mouamar El Kadhafi. Aujourd'hui, ce dernier se paye le beau rôle, en apparaissant dans la peau du père de l'Union africaine, après avoir passé le plus clair de son temps à alimenter des foyers de tension, en envahissant son voisin le Tchad par exemple, ou en fomentant des coups d'Etat comme en Mauritanie. L'idée de l'Union africaine n'est-elle pas née ici même à Alger en 1999? Et n'est-ce pas le président Abdelaziz Bouteflika, alors fraîchement élu qui a parrainé El Kadhafi et lui a fait la courte échelle pour lui permettre d'organiser le sommet de Syrte où a été mûri le projet de l'Union africaine? Longtemps isolé sur la scène africaine, notamment après l'affaire Lockerbie, El Kadhafi avait besoin du parrainage d'Alger pour s'émanciper de nouveau et booster sa diplomatie. Mais tout se passe comme si le retour de la Libye sur la scène internationale ne peut se faire que sur le dos de l'Algerie. Le président Liamine Zeroual avait plus de panache, en refusant à l'ONU de serrer en privé la main du président Chirac, qui avait pour sa part refusé de le voir en public. Il y allait de l'honneur et de la dignité d'une nation. C'est l'image même du pays qui est en jeu. Comment les Algériens seront-ils respectés à l'étranger si leur président ne relève pas l'outrage qui lui a été fait par le colonel libyen? Il est du devoir de l'Algérie de participer à la construction de l'Union africaine, mais le niveau de notre participation au sommet de Syrte aurait dû être revu pour bien faire prendre conscience au leader libyen qu'on ne badine pas avec ce genre de chose. A quelques jours de l'élection présidentielle en Algérie, c'eût été un geste fort. Les Algériens auraient applaudi.