img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P130717-07.jpg" alt=""Le livre met à l'abri de l'ignorance"" / «UNE MAISON sans livre est comparable à un corps sans âme»: une évidence irrésistible dont le pouvoir est assez long pour s'imposer à l'être doué de raison. En ce huitième jour du mois sacré de Ramadhâne 1434, cette page spéciale du Temps de lire est consacrée, au juste, à l'ami du livre, Djafar Bencheneb, Allah yarhamouhou, décédé à l'âge de 89 ans. Il a été inhumé, vendredi 3 Ramadhâne 1434 / 12 juillet 2013, au cimetière de Sidi Yahia de Bir Mourad Raïs (Alger) en présence d'une foule nombreuse de familles alliées, d'amis, de sympathisants et de représentants de l'Association des Amis de la Rampe Louni Arezki d'El Qaçba, zemân d'Alger. Connaître la richesse de notre patrimoine Le défunt était le fils benjamin de l'illustre savant algérien, multilingue, Mohammed Bencheneb (1869-1929), l'auteur de très nombreux ouvrages et articles publiés en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, ayant «comme objectif principal de faire connaître à l'Occident la richesse et la beauté de la culture arabo-islamique en protégeant de ce fait et, en particulier, la culture algérienne de l'influence coloniale». Ces lignes en italique, sont de Djafar Bencheneb. À l'image de son père, il était, autant un homme doux, humble et spirituel qu'un érudit bilingue parfait, sensible au mot précis et surtout un grand chercheur dans le domaine de la bibliothéconomie et un passionné formateur spécialisé dans les manuscrits arabes anciens. Justement, dans sa présentation de la réédition, à l'OPU, en 2006 (version arabe) et en 2009 (version française), d'un important ouvrage de son père, Classes des Savants de l'Ifriqiya, dont la première édition est parue en 1915, il a écrit: «L'ouvrage est devenu introuvable en librairie et dans les bibliothèques publiques car les tirages à cette époque étaient réduits limitant sa diffusion. [...] Elle ressemble à la première édition. Néanmoins, j'y ai joint la biographie de mon père ainsi que les comptes rendus des professeurs Georges Marçais et Alfred Bel. Puisse-t-elle contribuer à faire connaître la richesse culturelle de notre patrimoine - que nous connaissons assez mal - et de satisfaire surtout la curiosité des chercheurs.» À la suite de la publication de plusieurs textes d'auteurs divers sous l'intitulé général «À quoi sert le livre?» (*) dans ma rubrique hebdomadaire du Temps de lire (V. L'Expression du mercredi 29 juin au mercredi 21 septembre 2011) et sachant que je me proposais de les rassembler un jour ou l'autre dans un volume, Sî Djafar Bencheneb m'a confié, il y a plus d'un an, un texte remarquablement instructif intitulé «Réflexions sur le livre», suivi de références bibliographiques. Pour les lecteurs fidèles du Temps de lire, j'ai décidé de reproduire ici, en exclusivité, sa contribution en guise d'hommage ému à cet intellectuel algérien plein d'humilité et, à travers lui, à la génération d'intellectuels (dont ses frères Saad-Eddine, Larbi, Rachid et Abdellatif) que le père Mohammed Bencheneb a pu former ou inspirer. Réflexions sur le livre «Le nombre important du mot «livre» cité au cours de mes différentes lectures a suscité ma curiosité et j'ai alors tenté de chercher quelques éléments de réponses. Qu'est-ce que le livre? Il s'agit ici d'une problématique posée depuis des siècles. L'Unesco définit le livre comme étant une «publication non périodique imprimée, comptant au moins 49 pages, pages de couverture non comprises, éditée dans le pays et offerte au public.» De plus, et selon le dictionnaire Robert, le livre est défini comme «un assemblage d'un assez grand nombre de feuilles portant des signes destinés à être lus». Il s'agit au final d'un contenu de textes regroupés selon différents formats établis par des éditeurs. Le livre représente toute une gamme de richesses pour les lecteurs puisqu'il étoffe leurs connaissances et les aide ainsi à s'épanouir et à stimuler leur intelligence. La «bibliométrie», quant à elle, peut être considérée comme la science du livre puisqu'elle permet une évaluation statistique et objective de la communication effectuée par les auteurs. Toutefois, on peut dire qu'il s'agit également d'une innovation technologique qui permet à la fois la production, la communication, la distribution et la conservation du livre. En 1797, et dans sa publication «Les principes métaphysiques de la doctrine du droit», Kant (1724-1804) a effectué une recherche minutieuse sur la problématique des «droits intellectuels» des auteurs en Allemagne et les contrefaçons faites sur certains livres. De ce fait, il a établi une nette distinction entre d'une part, le bien matériel «l'exemplaire» ou plutôt «l'opus mecanicum» du livre qui peut être considéré comme la propriété privée de chaque individu puisque tout le monde peut l'acheter, l'acquérir et d'autre part, «le discours», les idées généreuses et les pensées retrouvées dans les textes qui n'appartiennent quant à elles qu'à une seule et unique personne d'où l'expression de «la propriété intellectuelle». Mais à la fin du 18ème siècle, le philosophe allemand Fichte (1762-1814) va plus loin dans son analyse en décrivant le livre comme une dichotomie existante entre «les idées et la forme qui leur est donnée par l'intermédiaire de l'écriture». En effet, les idées sont universelles, seules les écritures sont considérées comme uniques et, de ce fait, elles acquièrent une particularité inaliénable. À ce propos, le célèbre poète latin Horace (64-8 avant J.-C.) accordait déjà une importance considérable à l'écriture en précisant que «les écrits ont un destin». D'ailleurs, l'historien Roger Chartier, dans ses travaux sur «L'histoire du livre, de l'édition et de sa lecture» et en se basant sur le concept de Kant, décrit le livre comme étant avant tout «un corps et une âme». On peut dire ainsi qu'une maison sans livre est comparable à un corps sans âme. Ce dernier n'est autre que la qualité de la reliure et de l'impression; par contre, son âme représente à la fois les pensées, les mots de l'auteur mais aussi l'intervention de l'imprimeur, de l'éditeur et du reprographe. À ce sujet, certains lecteurs restent sensibles à la texture des pages imprimées et à l'odeur dégagée des pages feuilletées. Le livre est donc une oeuvre originale qui fait appel à un travail collaboratif effectif et efficace. Toutefois, en plus de l'invention du livre et de l'imprimerie, Chartier décrit une troisième révolution du livre, celle de la documentation numérique avec l'abolition du support papier. En effet, et à l'ère du numérique dominé par l'image et l'information électronique, on est en droit de se poser les questions suivantes: Que devient le livre aujourd'hui? Quelle est sa place en tant que vecteur privilégié de la diffusion de la culture et du savoir? Qu'en est-il des droits d'auteurs lorsque tous les textes et toutes les sources bibliographiques sont retrouvés sur une même plateforme numérique? Qu'est-ce que le livre sans le format et le support physique que l'on connaît? Voici une autre problématique posée que bon nombre de chercheurs semblent tenter d'y répondre sans toutefois réussir à trouver des réponses probantes. Ici on parle de sources de données diversifiées, de lecture en réseau du livre qui modifie sensiblement la chaîne du livre dans son intégralité même si sa lecture restera toujours un moment de douceur et de bonheur pour l'enfant qui le reçoit et une des formes d'évasion, de détente et de repos pour l'homme qui lit. Ainsi, le livre met l'homme à l'abri de l'ignorance et malgré l'avancée de la technologie actuelle, il gardera sa place et connaîtra une plus vaste diffusion par la diversité de ses thèmes.» (*) À quoi sert le livre? de Kaddour M'Hamsadji (À paraître)