Le président-candidat, par cette mesure, «s'offre un deuxième mandat sans deuxième tour». Durant toute la nuit de lundi à mardi, la permanence du Dr Taleb a répondu aux appels des militants affolés, dont beaucoup étaient prêts à en découdre avec le pouvoir. «Nous avons déposé un dossier complet, soigneusement vérifié par des juristes hautement qualifiés», a indiqué Mohamed Saïd, rencontré hier au niveau de la permanence électorale du président du mouvement Wafa. Il ajoute que «le nombre de signatures requis était nettement dépassé. Ce qui nous conforte dans notre position qui stipule que nous faisons face à une exclusion politique destinée à éviter au candidat-président de faire face au plus redoutable de ses adversaires qui l'aurait forcé à aller vers un second tour avant de le vaincre inéluctablement». Ahmed Taleb-Ibrahimi, qui estime que «Bouteflika est allé jusqu'à choisir ses adversaires», ajoute que «le président-candidat vient ainsi de s'offrir un deuxième mandat sans passer par un second tour, qui aurait risqué de lui être fatal». Mais, plus résolues et déterminées que jamais, les troupes de Wafa continueront le combat et «seront même au coeur de la campagne électorale» suivant des formes que la direction du parti déterminera lors d'une rencontre prévue au début de cette semaine, immédiatement après la conférence de presse que compte animer Taleb, probablement ce dimanche. Ahmed Taleb-Ibrahimi a en outre rendu public un communiqué signé de sa main dans lequel il s'indigne de ce qui vient de lui arriver. «La décision du Conseil constitutionnel d'invalider ma candidature à la prochaine élection présidentielle est une décision politique qui traduit l'entêtement du pouvoir à persévérer dans la voie de l'exclusion pour empêcher le peuple de choisir son candidat à la magistrature suprême.» Tous les observateurs, politiques et analystes se sont en effet accordés hier à considérer que Taleb, fort de 1,3 million de votants en 1999 en dépit de son retrait et de la fraude, ne pouvait en aucune manière être exclu de cette façon. La crainte de Bouteflika d'avoir à faire face à un adversaire aussi redoutable, s'était déjà traduite par l'acharnement mis à tenter de tuer dans l'oeuf un parti parfaitement légal, et loin d'être la réincarnation de l'ex-FIS comme le soutenait dans le temps Zerhouni. Des sources proches de Wafa poussent plus loin l'analyse en indiquant que «c'est plutôt Bouteflika qui compte dans ses comités de soutien de nombreux repentis et anciens dirigeants et militants du parti dissous, ce qui veut tout dire». Taleb, dans son communiqué, évoque la question de son parti en décrétant ne pas être étonné par cette exclusion, car «venant d'un pouvoir qui a déjà injustement privé des citoyens et citoyennes d'exercer leur droit constitutionnel à l'activité politique». Evoquant la terrible gravité de ce qui vient d'arriver, Taleb enchaîne pour dire que «les motivations politiques flagrantes qui se cachent derrière la décision du Conseil constitutionnel nous mettent aujourd'hui devant une situation inédite dans l'histoire de la pratique démocratique à travers le monde. A savoir que le président-candidat ne se contente plus, dans sa préparation du coup de force électoral, de disposer des moyens de l'Etat et d'asservir ses institutions, mais vient de franchir un autre pas dans ce comportement provocateur en contradiction avec les règles minimales de la démocratie, en s'arrogeant le droit de choisir lui-même ses adversaires...» Une nouvelle fois, un arbitrage de l'armée, dont Taleb souhaite une «neutralité active» est mis en avant sans que cette institution soit nommément désignée dans le communiqué. «Ce grave précédent met toutes les institutions de l'Etat devant leurs responsabilités historiques quant aux risques qui découleraient de cette insistance à mépriser le peuple et à se jouer de son destin.» Homme au moral d'acier, descendant d'une glorieuse lignée de patriotes et de moudjahidine authentiques, Taleb garde le moral et le sourire, de même que ses collaborateurs et ses militants et cadres de Wafa. Sans le savoir, peut-être, Bédjaoui a donné un coup d'accélérateur à ce parti dont les militants piaffent déjà d'impatience. «Pour ma part, conclut, en effet, Ahmed Taleb Ibrahimi, la décision du Conseil constitutionnel, par ses arrière-pensées politiques évidentes, n'entamera nullement ma détermination à contribuer à faire cesser les injustices, à jeter les bases de l'Algérie des libertés, de la démocratie et de la franchise, dans le cadre de Wafa et avec les hommes sincères de notre pays.»