L'armée ira-t-elle au bout de sa logique? L'Egypte retenait hier son souffle face à deux antagonismes qui, à l'appel de l'armée et des Frères musulmans, mesuraient leur force dans les rues de la capitale et des villes d'Egypte. Alors que des heurts ont été signalés au Caire entre les deux forces antagonistes des pro et anti-Morsi, qui occupent peu à peu le terrain, les deux groupes semblent surtout se préparer pour l'après-f'tour. Comme cela a été le cas ces derniers jours, c'est en soirée que les manifestants passent à l'action et aux «choses» sérieuses. C'est donc dans la soirée d'hier que la vraie confrontation risquait d'avoir lieu. Aussi, malgré les rappels en force de leurs partisans, aucun incident sérieux n'a toutefois été signalé hier en Egypte, si ce n'est les accrochages qui eurent lieu dans la matinée d'hier au Caire. Ce qui augure d'une soirée plutôt chaude. Dans un appel inédit à la population, le général Abdel Fateh Al-Sissi, nouvel homme fort du pays, demande au peuple de lui donner «mandat» pour lutter contre «la violence et le terrorisme». Dans un appel solennel, le général Al-Sissi a déclaré mercredi sur la chaîne officielle Al Masriya: «J'appelle tous les Egyptiens honnêtes à descendre dans la rue vendredi pour me donner mandat afin d'en finir avec la violence et le terrorisme.» Un appel inédit en vérité et quelque peu surréaliste avec tous les sous-entendus qu'il comporte. C'est se prévalant de la volonté du peuple que l'armée a déposé le président islamiste, Mohamed Morsi, voici maintenant que l'officier le plus gradé en Egypte demande au peuple de «descendre» dans la rue pour soutenir l'action de l'armée contre les Frères musulmans. Ces derniers ont aussitôt demandé à leurs partisans de sortir dans les rues après la prière du vendredi. Ce qui devait mettre face-à-face deux forces aussi déterminées l'une que l'autre avec tous les dérapages que cela pourrait impliquer. Ce qui est inédit aussi, c'est cette proportion à demander l'arbitrage de la rue dans des contentieux absolument politiques. Le général Al-Sissi veut l'absolution de la rue pour mener des actions répressives - il s'agit bien de cela - contre «la violence et le terrorisme» en fait contre l'opposition islamiste. Du moins, dans l'immédiat. Il est fort probable que fortes de ce quitus du peuple, l'armée et les autres forces de sécurité utilisent ce «mandat» donné par le peuple pour réprimer toute «violence» d'où qu'elle vienne, y compris dans doute les rassemblements sans la mythique place Tahrir. En prévision des joutes attendues pour hier, les autorités égyptiennes avaient renforcé la sécurité dans la capitale et dans les grandes villes pour contenir les probables débordements. C'est en tout état de cause une journée de vendredi à risque avec l'éventualité de voir les deux camps en venir aux mains. En fait, les violences liées à la situation politique en Egypte ont fait plus de 200 morts depuis le 30 juin dernier et les manifestations monstres qui ont vu la chute du président Morsi. De fait, les Frères musulmans qui occupent depuis le 3 juillet la mosquée Rabaa al-Adawiya, dans un faubourg du nord-est de la capitale ont vu depuis jeudi leurs rangs grossir après l'appel des Frères musulmans à se regrouper suite à la déclaration (mercredi dernier) du général Al Sissi demandant au peuple de descendre dans la rue. Il est patent que la situation connaît en Egypte un développement à tout le moins dangereux dès lors que c'est la rue qui semble devoir arbitrer dans un conflit, qui reste avant tout politique et demande donc une solution politique. La mission de l'armée et des forces de police étant de maintenir l'ordre, mission qui leur est dévolue - de toutes les façons - par les lois du pays. Il n'en reste pas moins que l'armée égyptienne semble se complaire dans ce rôle, à tout le moins ambiguë, entre menaces et déclarations apaisantes. De fait, hier, un site proche de l'institution militaire égyptienne a indiqué que le chef de l'armée avait donné jusqu'à aujourd'hui aux Frères musulmans pour se rallier au processus de réconciliation. Le moment d'un tel appel à la réconciliation est-il propice quand il coïncide avec la mise en détention préventive de l'ex-président Morsi et des rassemblements des pro et anti-Morsi, suscitant des craintes non seulement en Egypte mais aussi dans le monde qui suit avec attention le développement de la situation au pays des Pharaons.