Mme Ashton, outre le président déchu, a rencontré le président par intérim, Adly Mansour et le chef de la diplomatie égyptienne, Nabil Fahmi Catherine Ashton a rencontré Mohamed Morsi, gardé au secret par l'armée, et assuré qu'il allait «bien», avant de quitter hier le pays où aucune issue politique à la crise ne se dessine malgré ses efforts. Mme Ashton a pu discuter pendant deux heures avec l'ex-chef d'Etat islamiste, qui recevait ainsi officiellement sa première visite depuis sa destitution le 3 juillet par les militaires. La France juge la situation en Egypte «très critique», et a appelé, à l'instar des autres pays de l'UE et de Washington, à la libération de M.Morsi, qualifié de «détenu politique». Plusieurs milliers de ses partisans, déterminés à poursuivre leur bras de fer avec l'armée, défilaient dans l'après-midi en plusieurs endroits du Caire pour réclamer le retour au pouvoir du premier président élu démocratiquement du pays. Le vice-président du pays Mohamed El Baradei, prix Nobel de la paix, a cependant douché une nouvelle fois leurs espoirs, réaffirmant que M.Morsi avait «échoué» et rejetant l'idée qu'il puisse participer au processus de transition. Toutefois, a-t-il souligné, «les Frères musulmans (dont est issu M.Morsi) font toujours partie du processus politique, et nous voulons qu'ils y prennent part». Mme Ashton était arrivée dimanche soir au Caire pour promouvoir l'idée d'une transition «incluant toutes les forces politiques», y compris la puissante confrérie qui refuse tout dialogue avec le nouveau pouvoir, qu'elle juge illégitime. Elle avait toutefois posé comme condition à sa venue au Caire la possibilité de rencontrer M.Morsi. Après deux heures de discussions «franches» dont elle a refusé de rapporter le contenu et le lieu, elle a affirmé que M.Morsi «allait bien» et avait accès à la télévision et aux journaux. Mme Ashton a insisté sur le fait qu'elle était là «pour aider, pas pour imposer» et que la solution à la crise, qui s'est traduite depuis un mois par plus de 300 morts dans des violences, dépendait des Egyptiens eux-mêmes. Elle a assuré vouloir revenir prochainement en Egypte. Les islamistes. n'ont pas dévié de leur position de principe, affirmant avoir prévenu la responsable européenne qu'ils poursuivraient leur mobilisation jusqu'au retour de M.Morsi. La libération de l'ancien président et d'autres responsables des Frères musulmans devrait être «un acquis» avant même le début des discussions et non l'objet des négociations avec les nouvelles autorités, a estimé Amr Darrag, un dirigeant du parti issu de la confrérie. M.Morsi est, outre sa détention par l'armée, sous le coup d'une demande de mise en détention préventive de la part de la justice, qui l'accuse de complicité avec le Hamas palestinien, notamment lors de son évasion de prison début 2011 pendant la révolte contre le régime de Hosni Moubarak. Les adversaires de M.Morsi, élu en juin 2012, l'accusent d'avoir gouverné au profit de son seul camp et d'avoir laissé le pays s'enfoncer dans la crise économique. Les manifestations géantes du 30 juin contre lui ont fait perdre sa légitimité et justifient selon eux la décision de l'armée de le renverser. Ce bras de fer entre armée et pro-Morsi fait redouter de nouveaux bains de sang, notamment après la mort de 81 civils et d'un policier dans des affrontements entre islamistes et forces de l'ordre samedi au Caire. Les manifestations d'hier, placées sous le slogan «Les martyrs du coup d'Etat», entendent notamment dénoncer ces violences à proximité de la mosquée Rabaa al-Adawiya, où les pro-Morsi tiennent un sit-in depuis un mois. Les autorités menacent de disperser par la force ces sit-in dans la capitale, les accusant d'être des foyers de «terrorisme». Elle ont promis des mesures «fermes» si les manifestants «outrepassaient leur droit à l'expression pacifique». De son côté, l'Unicef s'est dit «profondément inquiet» par les violences qui ont touché des enfants au cours de ces violences, appelant toutes les parties à «ne pas exploiter les enfants à des fins politiques et à les protéger». L'UE veut jouer un «rôle de facilitateur» en Egypte L'Union européenne a indiqué hier vouloir «continuer à jouer un rôle de facilitateur», y compris en usant du levier financier, pour un retour à la démocratie en Egypte où se trouve actuellement sa chef de la diplomatie, Catherine Ashton. «Nous avons déjà joué un rôle très important de facilitateur en Egypte, et nous allons continuer», a déclaré dans un point de presse le porte-parole de Mme Ashton, Michael Mann. L'UE «a un rôle important» car «c'est presque la seule organisation avec laquelle tout le monde veut discuter en Egypte», a-t-il souligné. Il a précisé que Mme Ashton, qui a pu rencontrer dans la nuit l'ex-président islamiste Mohamed Morsi, gardé au secret par l'armée depuis près d'un mois, était «en contact permanent avec tous les gens qui comptent dans la région», y compris les Etats-Unis. La responsable européenne s'est notamment «entretenu plusieurs fois» avec le secrétaire d'Etat américain John Kerry, a précisé le porte-parole. En réponse à une question, il a toutefois nié que la diplomatie européenne intervienne en Egypte «sous pression d'un pays ou d'un autre». Mme Ashton n'est pas allée en Egypte «avec un plan», mais elle «fait la navette entre les différentes parties» avec le message européen que «la violence doit s'arrêter» et qu'un retour à la démocratie doit être opéré «le plus vite possible», a-t-il expliqué. L'UE peut dans ce cadre jouer du levier de son aide financière au pays, d'un montant global de 450 millions d'euros pour la période 2011-2013, a souligné M.Mann. «Cela ne veut pas dire qu'il y a une pression directe» financière, «mais toute notre aide est conditionnelle et dans les derniers mois nous n'avons pas dépensé beaucoup car il n'y a pas eu assez de progrès dans la transition politique», a-t-il rappelé. L'UE est aussi «prête à observer les élections» censées être prochainement organisées en Egypte, a ajouté le porte-parole.