Présenter Ali Fawzi Rabbaïne, candidat à la magistrature suprême, a pour moi, une signification profonde que je me dois de dire en ces circonstances importantes que traverse le pays pour la première fois de son histoire, des élections présidentielles plurielles où le jeu démocratique bat son plein et fait des émules dans le monde arabe en dépit de ses faiblesses et du manque d'expérience. Cela parce que j'ai eu la chance unique d'avoir été parmi les rares journalistes qui avaient assuré la couverture médiatique du fameux procès dit «Affaire Rebaïne et consorts» à la cour de sûreté de l'Etat de Médéa en décembre 1985, ce qui me permet aujourd'hui, avec le recul du temps d'apporter un témoignage sur cette poignée d'hommes et de femmes qui avaient osé les premiers braver la machine répressive en ayant pour seules armes, leur seule conviction et leur certitude de leur combat et leur foi en un lendemain meilleur. Il y avait dans la salle du beau monde dont entre autres, Rebaïne et sa mère, les fils des colonels Si El Houas et Amirouche, les Aït Larbi, Sadi, Ali Yahia Abdenour Mehenn et Naït Djoudi. En d'autres circonstances, je raconterai en détail ces moments historiques, notamment sur mon choix décidé en haut lieu pour la couverture du procès. La veille je revenais d'une longue mission de l'Opep à Genève lorsqu'on m'a appris qu'une autre m'attendait à Médéa, moi qui ne connaissais rien aux affaires politiques et judiciaires. Mais je me contenterai ici de dire le témoignage de mon collègue et néanmoins ami, Abed Charef, qui était chef du bureau d'Alger de l'Afp, venu spécialement couvrir cet événement, pour la première fois ouvert à certains représentants de la presse nationale et internationale. A l'ouverture du procès, il est venu ne voir et me dire amicalement ceci: «Smail, sache bien que si jamais vous tirez assez sur ces gens-là, ce seraient les derniers démocrates que vous voyez». Ce conseil, je l'avais bien retenu. Durant tout le procès et ses séances interminables qui avaient duré deux longues semaines, j'avais pris la précaution, en tant que chef de mission, de couvrir les travaux en m'en tenant aux faits, sans rajouter le moindre commentaire susceptible d'influer sur le déroulement ou l'issue du procès avec le maximum de doigté. C'était déjà un début de professionnalisme et l'expression du refus d'une orientation dictée et contrôlée. Les avocats de la défense étaient venus nous féliciter de la manière dont le procès avait été couvert. Merci Charef pour le conseil. Il avait vu juste et loin. Qui pouvait dire que de ce procès anodin, tenu en retrait dans la ville calme et paisible de Médea, naîtrait un large mouvement devant aboutir seulement, quelques années après, à la formation de la plus grande démocratie dans le monde arabe, payée le prix fort. Ce procès portait bien un nom Fawzi Rebaïne, tête de liste. Paradoxalement, l'homme qui a peut-être le plus donné à l'avènement de la démocratie et de la liberté d'expression et d'organisation, est le moins connu des six prétendants à la magistrature suprême. A bien regarder, il ressort que la candidature de Fawzi Rebaïne, n'est pas le fait du hasard ou d'un opportunisme calculé. Pour les plus avertis, les plus attentifs à l'actualité nationale au cours des vingt-cinq dernières années, ce candidat n'est pas en fait le premier venu car il comptabilise un long parcours de combat de la première heure, qui prend naissance au début des années 80, pour se poursuivre sans relâche jusqu'à la fin de la dictature du parti unique et l'institution du multipartisme dès l'éclatement des évènements historiques d'Octobre 88. Ce même combat a été mené avec la même ardeur durant les longues années de la décennie noire contre les deux dangers qui guettaient l'Algérie, le retour en arrière aux anciennes méthodes de gestion du pays et la menace terroriste. C'est donc une consécration logique que Fawzi Rebaïne, comme il tient à le souligner lui-même, se présente sans complexe à l'élection présidentielle. Tout en mettant en exergue cette contribution à l'avénement de la démocratie, il compte ne pas s'arrêter là et apporter sa vision et ses efforts au développement du pays, qui aspire à une meilleure justice, à une meilleure répartition de la richesse et à moins d'inégalités.