Le ministre français de l'Intérieur qui a avancé en terrain miné sur la question de l'interdiction du voile dans les universités s'est vu offrir une perche avec l'affaire du militaire qui projetait d'attaquer une mosquée. Il est l'étoile montante du Parti socialiste. Il affiche des ambitions à peine voilées pour la course à l'Elysée de 2017. Il surfe cependant sur une vague qui pourrait lui coûter cher. Caresser dans le sens du poil un électorat sensible aux idées populistes au détriment d'une communauté musulmane qui ne cesse d'être stigmatisée et qui pèsera, elle aussi, de tout son poids lors des prochains rendez-vous électoraux. A la moindre secousse, c'est la tempête. Manuel Valls est à la barre. Toutes voiles dehors. Gare au naufrage. Le projet du gouvernement de bannir le voile de l'université risque de faire l'effet d'une bombe. Comme ce fût le cas pour le projet de retrait de la nationalité française «à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme, ou de tout autre dépositaire de l'autorité publique», avait déclaré Nicolas Sarkozy, lors du discours qu'il avait prononcé le 30 juillet 2010 à Grenoble. L'été a la particularité d'être chaud. Il l'est d'autant plus pour la communauté musulmane qui est régulièrement la cible d'attaques racistes et xénophobes. Un contexte qui fait recette auprès de certains hommes politiques qui ont compris tous les dividendes qu'ils peuvent en tirer en période électorale ou de crise. Plus le discours est durci envers les étrangers. Plus on peut espérer engranger les voix d'un électorat aux idées extrémistes indispensables pour espérer occuper le fauteuil de l'Elysée. Nicolas Sarkozy a raté de peu le coche d'y demeurer pour cinq autres années. Ce n'est pas faute d'avoir dragué à mort les électeurs d'extrême droite qu'il a tenté en vain de siphonner à Marine Le Pen: présidente du Front national et porte-drapeau d'une extrême droite française, ennemie farouche de la communauté musulmane. La gauche française se distingue en général de la droite en matière de politique sociale et économique, et a la réputation de se montrer plus généreuse envers les populations immigrées. Bien que ces particularités tendent à s'amenuiser par les temps qui courent. Les deux camps ont tendance désormais à tenir des discours musclés lorsqu'il s'agit de politique sécuritaire. Les populations étrangères sont en général pointées du doigt. L'amalgame n'est jamais loin lorsqu'au nom de la laïcité reviennent des sujets aussi sensibles que celui d'étendre l'interdiction du port du voile à l'université. La directive vient du Haut Conseil à l'intégration. Un organisme qui avait vocation à se prononcer sur les questions en rapport avec la laïcité qui n'est plus en fonction. Le ministre de l'Intérieur a jugé ses propositions «dignes d'intérêt». Valls sur les traces de Sarkozy? «Laissons à ce stade l'Observatoire de la laïcité travailler et formuler des propositions... Mais je ne sous-estime par l'analyse du HCI, et ses 12 propositions sont dignes d'intérêt. A tout le moins, il faudrait mettre de la cohérence (université, IUT...). Il faut le faire avec méthode et en cherchant le consensus si possible» a déclaré Manuel Valls, le 9 août, dans les colonnes du Figaro qui veut aller sans doute plus loin que l'ex-président de la République en ce qui concerne l'interdiction du port du voile dans lequel il risque de se prendre les pieds. Le projet d'attentat avorté d'un militaire français contre une mosquée de Vénissieux, près de Lyon, tombe à point nommé pour le sortir d'affaire. Saura-t-il saisir la perche pour ne pas sombrer dans des débats sur la laïcité qui ont fait la part belle aux islamophobes? Manuel Valls ne peut durablement ménager la chèvre et le chou...